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Au commencement d’avril, les alliés étaient parvenus à établir sur l’Isla-Grande, en face d’Itapiru, une batterie qui se mit à canonner le campement paraguayen et le fort. Les Paraguayens essayèrent en vain de la faire taire. Débarqués dans l’île pendant la nuit du 10 avril, ils furent obligés de regagner la rive droite après avoir subi d’assez fortes pertes. Tout semblait se préparer pour le passage au Paso de la Patria. Le général brésilien Hornos, avec une division de 3,000 hommes, remontait même vers l’est au-dessus d’Itati, comme pour chercher un gué accessible à la cavalerie. Toute l’attention des Paraguayens se concentrait de ce côté, lorsque le 16 au matin, tandis que les batteries de l’Isla-Grande et l’escadre canonnaient vigoureusement Itapiru, les troupes brésiliennes qui formaient, le centre de l’armée alliée, au nombre d’environ 10,000 hommes embarqués sur des transports, prirent pied à une assez grande distance au-dessous, non sur la rive droite du Parana, mais sur la rive gauche du premier bras du Paraguay. En ce point, habilement choisi, les Brésiliens ne rencontrèrent que quelques piquets ennemis qui ne purent les empêcher ni de se former ni d’avancer dans la direction d’Itapiru, que l’escadre et les batteries continuaient à couvrir de boulets. Cette forteresse ne présenta bientôt plus qu’un monceau de ruines ; le camp menacé par derrière, canonné par devant, devenait intenable : il fut abandonné le 17 au matin.

Le 20 avril, l’armée alliée tout entière, comptant 35,000 hommes, dont 25,000, Brésiliens pour le moins et 140 pièces d’artillerie, avait passé sur le territoire ennemi. Elle restait sous le commandement supérieur du général Mitre, et devait se diriger soit sur Humayta, soit de préférence, si cette forteresse pouvait sans danger être laissée en arrière, droit sur l’Assomption. Le corps d’armée du baron de Porto-Allegre, fort de 12,000 hommes, comme on a dit plus haut, arrivé en face d’Itapua, après avoir franchi au prix de fatigues excessives les marécages et les forêts qui s’étendent le long du Parana, depuis Itati, et sur le territoire aujourd’hui dépeuplé des Missions, ne trouvant personne pour lui disputer le passage, s’apprêtait à traverser le Parana à son tour. On parlait aussi d’une attaque que 4 ou 5,000 hommes réunis à Cuyaba opéreraient par le nord en descendant le Rio-Paraguay vers l’Assomption. En attendant, l’armée alliée se trouvait à découvert au milieu des marais insalubres, désignés sous le nom d’esteros de nembucu, qui couvrent toute la pointe sud du Paraguay. Au bout de quelques jours, elle comptait déjà un grand nombre de soldats malades des fièvres dangereuses causées par les émanations. Les chevaux qu’elle avait pu débarquer périssaient par centaines. Il lui fallait songer à s’avancer au plus vite ;