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Enfin, le 17 mars 1866, l’escadre brésilienne put se mettre en mouvement. Elle comptait 17 vapeurs, dont 4 cuirassés, avec 77 canons, et formait trois divisions. La première, composée de 7 canonnières à vapeur, dont 2 cuirassées, et de 6 transports, s’avança jusqu’au point qui fait face à Itapiru, le long des positions de la rive gauche occupées par les alliés. L’amiral Tamandaré la dirigeait lui-même. La seconde division, composée de 5 canonnières à vapeur, dont une cuirassée, s’établit à l’embouchure du Rio-Paraguay. La troisième, de 6 canonnières, dont une cuirassée, resta devant Corrientès. Ce n’était pas une manœuvre aisée que de faire traverser à une armée de 40,000 hommes un fleuve large de trois quarts de lieue, en présence d’une armée ennemie défendue par des positions assez fortes. Les opérations préliminaires commencèrent immédiatement au point dit le Paso de la Patria, situé un peu au-dessus du fort d’Itapiru, en face du camp retranché. Le fleuve est en cet endroit partagé par une île assez considérable appelée Isla-Grande. Trois vapeurs brésiliens et un argentin furent chargés de faire les sondages et d’étudier les positions ennemies sur la rive droite du Parana. Malgré la crue des eaux, les navires menaçaient à tout instant de s’ensabler. Un d’eux, l’Iraguary, s’échoua dès le premier jour. D’ailleurs les Paraguayens ne demeuraient pas immobiles. Outre que les batteries d’Itapiru inquiétaient dans un certain rayon la marche des navires brésiliens, le maréchal Lopez avait imaginé de faire construire des espèces de bateaux plats, sans fonds, composés de simples pièces de bois solidement ajustées, sur lesquelles reposait un canon de 68. Ces bateaux, appelés chatas dans le pays, où ils servent à descendre les rapides, sortant des nombreux canaux formés par les îles du fleuve, ne laissèrent pas que de causer assez de mal aux alliés. On peut se figurer la lenteur avec laquelle l’escadre dut agir, au milieu de bas-fonds inconnus, consultant incessamment la sonde, interrogeant l’épaisse verdure de chaque rive, dans la crainte d’en voir sortir à l’improviste quelque nouvel ennemi. Le 26 mars, un boulet de 68, pénétrant dans la tour du vapeur cuirassé Tamandaré, y tua quatre officiers, en blessa trois autres, parmi lesquels le commandant Maris y Barros, qui mourut quelques jours après, et atteignit également une vingtaine. d’hommes de l’équipage. L’escadre brésilienne détruisit plusieurs de ces chatas, mais il paraît que ce ne fut pas sans avoir, de son côté, deux vapeurs gravement avariés[1]. Elle eut aussi à se garer des brûlots et des torpilles qui la menacèrent plusieurs fois, mais, à ce qu’il semble, sans grand effet.

  1. Il ne faut pas oublier qu’on n’a aucun bulletin ni aucun renseignement venus du Paraguay.