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dont la bravoure et l’énergie eurent souvent occasion de se déployer pendant cette campagne, la commandait. L’armée brésilienne, qui devait être de plus de 25,000 hommes, formait le centre, sous les ordres du général Osorio. Le corps argentin restait à l’arrière-garde. Son chef direct, le général Mitre, conservait le commandement supérieur de l’armée. Pendant les mois de décembre et de janvier, l’été de ces régions, des pluies torrentielles tombent presque constamment, en même temps qu’il règne une chaleur souvent excessive. On conçoit ce que l’armée dut souffrir et ce qu’elle dut perdre de monde, campée sur un sol détrempé, dans les terrains marécageux qui s’étendent au-delà de Corrientès. Cependant l’inaction lui était imposée. L’escadre brésilienne, dont le concours était indispensable, ne pouvait encore agir. Le Parana forme devant Corrientès une immense nappe de plus d’une lieue d’étendue, mais de profondeur médiocre. Durant la saison des basses eaux, c’est-à-dire d’octobre à février, on y trouve à peine 2 mètres d’eau. En 1866, la crue que l’escadre, en partie échouée sur les sables de Corrientès, attendait pour se remettre à flot ne se produisit qu’au mois de mars.

Le maréchal Lopez ne laissa pas les alliés s’établir tranquillement en face d’Itapiru. A tout moment, des reconnaissances paraguayennes, portées sur des bateaux plats très en usage dans le pays, s’abritant derrière les îles du Parana et profitant de l’immobilité forcée de l’escadre, débarquaient sur la rive gauche, tenant en éveil les avant-postes des alliés, et enlevant des bestiaux. Le 31 janvier, une de ces reconnaissances, poussée avec une grande hardiesse, surprit les premières troupes argentines, et engagea une lutte dans laquelle la plus grande partie de l’arrière-garde alliée finit par être engagée, et subit des pertes assez fortes, surtout en officiers. C’est sur la garde nationale de Buenos-Ayres qu’était principalement tombé le poids de la journée, et plusieurs des jeunes gens tués ou blessés appartenaient aux meilleures familles. Aussi ce combat, dit de San-Cosmo, causa-t-il une grande sensation. Les journaux argentins ne se firent pas faute d’attaquer l’inaction du contingent brésilien, que la distance avait probablement empêché de prendre part à la lutte. On blâma l’immobilité de l’escadre, on l’imputa à l’absence de l’amiral Tamandaré et à la jalousie prétendue des officiers brésiliens, qui refusaient, dit-on, d’obéir au général en chef de l’armée. Il eût été plus simple de s’en prendre à la baisse des eaux. Le combat de San-Cosmo eut toutefois l’avantage d’engager les alliés à se garder avec plus de soin. Les expéditions paraguayennes sur la rive gauche devinrent moins faciles et moins fréquentes.