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S’il avait été facile au président Lopez de traverser le Parana et de jeter ses troupes sur la rive argentine sans défense, il était moins aisé pour les alliés de se frayer un accès jusqu’à lui. La pointe sud du Paraguay s’avance sous forme de triangle entre les fleuves Parana et Paraguay et se termine au confluent même, faisant presque face à la ville de Corrientès, située au sud sur la rive gauche du Parana. Des ouvrages d’art assez importans se joignent aux difficultés naturelles, et rendent le passage et le débarquement plus difficiles encore pour une armée. A six lieues de ce point, à un endroit où le Rio-Paraguay fait un brusque détour connu sous le nom de Vuelta d’Humayta, s’élève la forteresse considérable d’Humayta. Le lit du fleuve, très rétréci, n’a pas plus de 200 mètres de large. Sur toute l’étendue de la Vuelta, on a élevé des batteries casematées ou à barbettes, armées de 100 à 120 pièces de canons de gros calibre. Ces batteries sont reliées entre elles par des palissades à embrasures destinées à recevoir des pièces volantes. Ces ouvrages se présentent sur un front de 1,500 mètres d’étendue. Un peu plus près du confluent s’élève le fortin de Curupayti, destiné à couvrir les premiers ouvrages d’Humayta contre une attaque par terre. Une route tracée entre des terrains marécageux conduit de la forteresse à la rive droite du Parana, et aboutit à un camp retranché où l’armée paraguayenne se concentra lors de l’évacuation de Corrientès. Au-dessous du camp s’élève sur le Parana une série d’ouvrages en terre défendus par de l’artillerie, que l’on appelle le fort d’Itapiru. Le maréchal Lopez devait avoir au camp environ 25,000 hommes, et le recrutement, opérant toujours au Paraguay, lui amenait probablement encore des renforts.

L’armée alliée, déjà massée à la Concordia, se mit, dès les premiers jours de novembre, en marche vers Corrientès, où elle se trouva tout entière réunie au mois de décembre 1865. De nombreux renforts venus du Brésil, des gardes nationales argentines, une partie du contingent de l’Entre-Rios, l’avaient rejointe, et en portaient l’effectif à 50, 47 ou 40,000 hommes, suivant les versions. Un autre corps brésilien d’environ 12,000 hommes, sous les ordres du baron de Porto-Allegre, arriva plus tard, vers la fin de février 1866, à travers les anciennes missions corentines, au village de Candelaria, toujours sur la rive gauche du Parana, en face du bourg paraguayen d’Itapua, à 40 lieues environ de l’armée principale. Celle-ci, dépassant Corrientès, s’étendit presque jusqu’à Itati, en face même du fort d’Itapiru et du camp retranché paraguayen. L’avant-garde était formée par le contingent oriental, très réduit par les maladies, et qu’aucunes nouvelles recrues ne venaient renforcer. On lui avait adjoint une division brésilienne. Le général Florès,