Page:Revue des Deux Mondes - 1866 - tome 65.djvu/289

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

d’arrêter le corps de l’Uruguay. Le général Florès, qui commandait l’avant-garde de l’armée, quitta la Concordia au commencement d’août, remontant la rive droite de l’Uruguay avec 8,000 hommes environ, 5,000 Orientaux et une division brésilienne de 3,000 hommes. Le corps argentin du général Paunero, débouchant enfin après une marche très pénible des bas-fonds marécageux et des forêts de palmiers qui couvrent une partie de la province de Corrientès et de l’Entre-Rios, ne tarda pas à le rejoindre portant ses forces à plus de 9,000 hommes et 36 canons. Il rencontra, le 13 août, près du village argentin Restauracion, sur la rivière Yatay, la division paraguayenne de 3,500 hommes qui descendait la rive droite du fleuve, sous les ordres du major Duarte. L’action s’engagea aussitôt. Elle fut très vive, et malgré la disproportion des forces les Paraguayens, entourés de tous côtés, écrasés par l’artillerie, n’ayant ni canons ni cavalerie, refusèrent de se rendre, et se défendirent en désespérés. Au dire des bulletins alliés, ils laissèrent 1,000 morts sur le champ de bataille. Le reste se dispersa ou fut fait prisonnier. Les alliés ne perdirent que deux cent cinquante hommes[1].

Après la prise d’Uruguyana, la deuxième division paraguayenne voulait continuer sa marche sur la rive gauche. La déroute du major Duarte, qu’elle n’avait pu secourir, lui fit rebrousser chemin. Menacée de front par le général Mitre, qui avait quitté la Concordia avec 18,000 hommes environ pour marcher à sa rencontre, sur ses derrières par le corps brésilien formé dans le Rio-Grande, de flanc par les canonnières brésiliennes avec leur artillerie à grande portée, qui essayaient de remonter l’Uruguay ; isolée sur le territoire ennemi, sans bases d’opérations, sans vivres, elle se rejeta dans Uruguyana. Le général Mitre l’y suivit. A la fin d’août, la place se trouva assiégée, et le général Florès, repassant sur la rive gauche de l’Uruguay, compléta l’investissement. Le colonel Estigarribia, qui commandait les Paraguayens, refusa d’abord de se rendre au général en chef Mitre. On s’attendait à une défense vigoureuse. L’arrivée de l’empereur au camp, le 11 septembre, avec toute sa maison militaire, changea les dispositions du colonel paraguayen. Le 18 septembre, il rendit la place à l’empereur dom Pedro lui-même, lui livrant, sans avoir tenté une sortie ni essuyé une attaque, 6,000 prisonniers, 5 canons, 9 drapeaux et 5,000 armes à feu. C’est le seul acte de faiblesse que l’on puisse reprocher aux troupes paraguayennes durant toute la guerre. On a parlé de

  1. Il faut noter dès à présent que, durant toute la guerre, le président du Paraguay n’a publié aucun bulletin. Il n’y a pas de journaux à l’Assomption ; on est donc obligé de s’en tenir uniquement aux bulletins des alliés, dont il est à peu près impossible de contrôler les allégations.