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cuirassée, qui commandait le cours du fleuve. L’infériorité de ses forces navales avait suggéré au maréchal Lopez l’idée assez ingénieuse d’établir sur la côte 26 pièces d’artillerie attelées, disposées en batteries volantes, qui, suivant toutes les évolutions de l’escadre, couvrirent de leurs feux les navires brésiliens. Le combat fut long et très acharné. Les Paraguayens, qui se battaient pour la première fois, montrèrent une extrême bravoure. Le succès des Brésiliens fut dû surtout au commandant Barroso, qui, usant de la supériorité d’évolutions du navire cuirassé qu’il montait, et imaginant une manœuvre pratiquée depuis avec un égal succès par l’amiral autrichien Tegethoff à Lissa, se lança à toute vapeur sur l’escadre paraguayenne, et, abordant successivement quatre navires ennemis par le travers, les coula tous quatre du choc. Le reste de l’escadrille, aux trois quarts désemparé, dut regagner le fleuve Paraguay et chercher un abri sous les canons d’Humayta. Telle fut l’issue du combat du Riachuelo. L’attaque vigoureuse des Paraguayens et les feux partis de terre avaient causé aux Brésiliens des pertes sensibles ; mais le but du maréchal Lopez n’était pas atteint : le blocus était maintenu, et le corps d’armée du Parana demeurait sans vivres et menacé de se voir couper sur ses derrières, si l’escadre brésilienne dépassait Corrientès. Dans ces conditions, loin de songer à s’avancer vers la Concordia et l’Uruguay, on dut se replier vers Corrientès. Le général Roblès, à qui on reprochait la lenteur de sa marche, fut destitué et mis en jugement. La retraite de son corps d’armée eut de fâcheuses conséquences pour le corps opérant sur l’Uruguay.

L’armée alliée avait fini par s’organiser à la Concordia. Bien que les gardes nationales argentines et les renforts brésiliens n’arrivassent que lentement, bien que le contingent levé dans l’Entre-Rios se fût débandé et dispersé quelques jours après son arrivée au camp, elle comptait à la fin de juin 15,000 Brésiliens, 4 ou 5,000 Orientaux et 6,000 Argentins, en tout 25,000 hommes environ. Aux termes du traité du 1er mai, la guerre ayant lieu sur le territoire argentin, le général Mitre avait le commandement en chef de toute l’armée. Le commandement spécial des troupes brésiliennes était confié au général Osorio ; le général Florès commandait les Orientaux. L’empereur dom Pedro II lui-même quitta Rio pour diriger en personne la défense du Rio-Grande. Il arriva dans cette province le 20 juillet avec ses deux gendres, le comte d’Eu et le duc de Saxe, les généraux Cabrai et de Beaurepaire-Rohan, et le ministre de la guerre. Sa présence sembla donner plus d’activité aux mouvemens des alliés. D’ailleurs, une fois le corps paraguayen du Parana rentré à Corrientès, on n’avait plus à s’occuper que