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maréchal[1] Lopez dut aussi faire entrer dans ses plans le concours qu’il comptait trouver parmi les ennemis du gouvernement argentin, surtout chez les populations entrerianes. Il se trompait à cet égard : loin de l’aider, les provinces de l’Entre-Rios envoyèrent, sous les ordres du général Urquiza, leur contingent au camp de la Concordia. Il est vrai qu’il ne tarda pas à déserter en masse, mais sans pour cela prêter un appui actif à l’invasion.

La grande difficulté pour les troupes envahissantes dut être de se procurer les moyens de vivre dans ces contrées peu peuplées et mal cultivées. Le maréchal Lopez avait sévèrement défendu le pillage dans l’Entre-Rios, probablement pour ne pas mécontenter une population qu’il espérait toujours se rallier. On doit dire à la louange de l’armée paraguayenne que ses ordres à cet égard furent presque partout exécutés fidèlement. Le corps paraguayen traversant l’Entre-Rios remonta probablement le coude du Parana jusqu’à l’endroit où il est le moins éloigné de l’Uruguay, et put être suivi sur le fleuve par des chalands chargés de vivres. Sa marche fut donc assez rapide. Arrivé devant l’Uruguay, il se sépara en deux divisions : la première, de 6 à 7,000 hommes, traversa le fleuve le 10 juin, pénétra dans San-Borja, abandonnée par ses habitans, puis, descendant la rive gauche, entra dans Itaqui et vint assiéger Uruguyana, point extrême touchant la frontière orientale. Elle s’empara de cette ville au bout de quelques jours. La seconde division, forte de 3,500 hommes à peu près, restée sur la rive droite, la descendait parallèlement pour conserver le libre passage du fleuve et marcher vers la Concordia à la rencontre du corps venant du Parana, avec lequel elle eût attaqué le camp des alliés ; mais le corps du Parana, sous les ordres du général Roblès, ne poursuivait que lentement le général Paunero en retraite sur la Concordia. Après être entré à Goya et à Bellavista, il suspendit sa marche, arrêté probablement par la difficulté de vivre. En effet, l’escadre brésilienne, établie devant Corrientès, empêchait les chalands paraguayens de descendre le Parana avec le matériel et les subsistances. Elle menaçait même de couper, si les eaux venaient à monter, les communications avec la rive droite et le camp d’Itapiru. Il importait au maréchal Lopez de forcer le blocus et de dégager le fleuve. Le 11 juin, la flottille paraguayenne, composée de 8 vapeurs, tous en bois, mais munis d’une artillerie de gros calibre, et de 6 chalands, également armés de forts canons, vint attaquer la division brésilienne, forte de 9 canonnières, dont une

  1. M. Lopez s’est vu décerner le titre de maréchal par le congrès réuni à l’Assomption le 5 mars 1865 après la déclaration de guerre à la république argentine.