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général Florès recruta d’abord avec assez de facilité le contingent oriental de 1,500 fantassins et de 3 ou 4,000 cavaliers qu’il s’était engagé à fournir. Les partisans colorados qui venaient de faire la guerre avec lui le suivirent dans cette nouvelle campagne, et y déployèrent comme lui une grande bravoure. Ils formèrent constamment l’avant-garde et furent cruellement éprouvés ; mais on ne put les remplacer par de nouvelles recrues. Celles-ci désertaient soit en arrivant, soit même en chemin. Au mois d’août 1866, le contingent oriental au Paraguay comptait à peine deux ou trois cents hommes.


III

Ce qui vient d’être dit montre que le président du Paraguay était seul en mesure d’entrer en campagne. Quand le 4 décembre 1864 ses troupes envahirent le Matto-Grosso, elles trouvèrent la province presque sans défense. Quelques hommes seulement restaient dans la forteresse de Coïmbra et dans les postes fortifiés d’Albuqierque, Corumba et Dourado, le long du fleuve Paraguay. Ces petites places se rendirent l’une après l’autre ; toutefois la courte résistance qu’elles opposèrent donna le temps de concentrer à Cuyaba, chef-lieu du Matto-Grosso, quelques centaines de gardes nationaux et les compagnies de ligne qui tenaient garnison dans les provinces voisines de São-Paulo et de Goyaz. Du reste Cuyaba ne fut pas menacée. Le général Lopez eût pu s’en tenir là. Il se trouvait en possession des territoires contestés, et le Brésil, empêché par la neutralité de la confédération argentine de l’attaquer au sud par terre, eût été singulièrement embarrassé pour prendre l’offensive du côté du nord. La population brésilienne se montrait, il est vrai, surtout à Rio, très disposée à la guerre. Le chiffre des engagemens volontaires, rapidement augmenté, portait déjà l’armée à plus de 30,000 hommes. Un décret de janvier 1865 mobilisa 15,000 gardés nationaux sans que les chambres, favorables à la guerre, fissent aucune difficulté pour autoriser l’application de ce mode de recrutement, qui opéra concurremment avec les engagemens volontaires. Les chambres votèrent aussi d’enthousiasme un emprunt de 120 millions de francs. L’empereur s’occupa lui-même de remplir les arsenaux, dont les ressources ne suffisaient plus à équiper une armée portée à plus du double de l’effectif ordinaire ; mais tous ces préparatifs demandaient du temps. Une partie de l’armée brésilienne disponible était encore retenue dans l’Uruguay. On s’inquiétait surtout des difficultés que présenterait le transport des troupes à travers les déserts et les forêts presque inconnues de São-Paulo