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inhérentes aux institutions et au caractère national, ne tardèrent pas à se produire, servant de prétexte aux ambitions personnelles et aux luttes de partis. La guerre contre Rosas créa encore de nouveaux motifs de discorde. Les uns parurent disposés à accueillir l’alliance du dictateur de Buenos-Ayres, les autres la repoussèrent avec acharnement. Telle fut l’origine des deux partis qui, sous le nom de blanquillos et de colorados, divisent aujourd’hui la république. Autant qu’il est permis d’en juger au milieu de la confusion des idées et de l’agitation, des esprits, les premiers fortifieraient volontiers le pouvoir exécutif, les seconds en subordonneraient toujours l’action à l’initiative des assemblées délibérantes. Quoi qu’il en soit, après la chute de Rosas, le parti colorado, celui qui avait persisté à se défendre, et que dirigeait le colonel, depuis général Florès, conserva naturellement le pouvoir ; mais les dissensions intérieures reparurent bientôt. Le Brésil se souvint que de l’état oriental était parti le signal de l’insurrection qui, de 1835 à 1844, établit dans la province du Rio-Grande un gouvernement républicain défendu par quelques étrangers, par Garibaldi notamment. Il offrit son intervention, qui fut acceptée, et une garnison brésilienne maintint la paix à Montevideo (mai 1854). Le départ des soldats impériaux fut suivi d’une insurrection générale, Florès se vit contraint de fuir (août 1855), les plus exaltés entre les colorados furent expulsés. La protection brésilienne leur avait valu la perte de leur popularité ; ils se tournèrent du côté de Buenos-Ayres, qui, séparée à ce moment de la confédération argentine, songeait à former avec Montevideo un état fédéralisé maître des deux grands ports de la Plata, dont il eût monopolisé le commerce à son profit. Mal accueillie du parti au pouvoir, cette idée ne fut acceptée que par quelques exilés colorados. Aussi, quand en 1858 le général César Diaz sortit de Buenos-Ayres pour renverser le président oriental Pereira, l’escadre brésilienne, interceptant les communications, l’empêcha-t-elle de recevoir aucun secours de la rive argentine. Néanmoins le Brésil était mécontent de la façon dont on ajournait à Montevideo les ratifications du traité de 1851 et la solution de ses réclamations. Quand le général Florès reparut dans l’Uruguay, le gouvernement brésilien ne songea tout d’abord qu’à maintenir la tranquillité dans ses provinces et à s’assurer de la neutralité absolue de Buenos-Ayres. L’envoi de M. Loureiro auprès du général Mitre en 1863 n’eut probablement pas d’autre but. Des incidens nouveaux modifièrent la situation.

Bien que le général Florès ne reçût de la confédération aucun appui officiel, la ville de Buenos-Ayres au moins l’accompagnait de ses vœux. Soit que le gouvernement national fût trop faible pour