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sur la rive droite de la Plata, le colon qui veut défricher se trouve, au-delà des tropiques, en présence de forêts immenses sillonnées de montagnes et de vallées profondes où les débris de milliers d’êtres accumulés dans des terrains marécageux exhalent au sein d’une chaleur torride des miasmes insalubres. La fièvre jaune, qui a paru pour la première fois au Brésil en novembre 1849, paraît s’y être établie à l’état endémique. Il est vrai qu’elle a également visité les provinces de la Plata, et qu’elle semble beaucoup moins redoutable au Brésil, surtout dans les parties méridionales, qu’à la Vera-Cruz et aux Antilles. Les conditions climatériques se modifieront d’ailleurs à mesure que la culture en s’étendant empêchera les détritus de toute sorte de pourrir sur le sol et les fleuves de se répandre périodiquement dans les vallées. L’île de Sainte-Catherine fournit un exemple d’une transformation de ce genre[1]. Actuellement le laboureur européen ne peut s’établir sans danger qu’au-dessous du 22e degré de latitude sud. La province de Matto-Grosso, où le terrain est sec en beaucoup d’endroits et où l’élévation du sol tempère la chaleur, celles de São-Paulo et de Santa-Catharina, et surtout celle du Rio-Grande-do-Sul, où les forêts moins profondes sont coupées par de vastes plaines, semblent seules aptes à recevoir utilement la colonisation européenne.

C’est donc dans les provinces les plus méridionales de l’empire, enclavées dans le bassin de la Plata et avoisinant les républiques. de l’Uruguay, du Paraguay et la confédération argentine, que le Brésil place, l’espoir de sa grandeur future. On conçoit ainsi l’importance qu’il attache à toutes les questions qui en intéressent le repos et la prospérité. On distingue le mobile auquel il a obéi lorsque, craignant la contagion du désordre et la propagande révolutionnaire, il s’est ingéré dans les affaires intérieures de la république orientale ; on comprend aussi pourquoi sa politique a eu de tout temps pour objectif principal le cours de la Plata et de ses affluens, le Parana, le Paraguay, l’Uruguay, et comment la possession des rives de ces fleuves a été l’objet de tant de prétentions rivales. Un coup d’œil sur la géographie du bassin de la Plata en donnera facilement l’intelligence. Le Parana et le Rio-Paraguay, sortant tous deux du plateau central du Brésil, se dirigent sensiblement vers le sud-ouest, le premier en traversant les provinces brésiliennes de Matto-Grosso, de Goyaz et de São-Paulo, la république du Paraguay et le territoire argentin des Missions, le second. en passant par la province de Matto-Grosso, et en séparant la

  1. Dans le courant du XVIIIe siècle, dom Pernetty. trouva l’Ile Sainte-Catherine couverte de forêts, enveloppée de brumes malsaines et d’exhalaisons fétides. L’ile a été défrichée depuis, et les voyageurs du XIXe siècle, en vantent le climat.