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étrangers établis en 1862 dans la confédération, 70,000 au moins résident à Buenos-Ayres ou dans les environs. Sans en être encore à repousser les bras qui se mettent au service des manufactures et du commerce, la confédération aurait plus d’intérêt à acquérir une population sédentaire, accoutumée aux travaux des champs, prête à se répandre dans la campagne pour relier entre eux les centres déjà habités. C’est la situation politique du pays qui apparaît toujours comme un obstacle beaucoup trop sérieux.

Sollicité à la fois sur tous les points du globe où l’homme manque à la terre, en Algérie, en Australie, aux États-Unis comme au Mexique et dans toute l’Amérique du Sud, l’émigrant fixe son choix sur les pays qui lui offrent à la fois, avec la richesse du sol et la salubrité du climat, la liberté de tirer à son gré parti de son industrie et une sécurité suffisante pour ne pas craindre de perdre le fruit de son travail au milieu de révolutions auxquelles il demeure indifférent. L’histoire de la république argentine n’est que le récit d’une suite de désordres qui viennent plus encore des défauts d’une organisation vicieuse que du fait même des hommes. On sait les résultats fâcheux que des institutions empruntées aux États-Unis, mais appliquées dans des conditions différentes, ont produits dans la Plata. On connaît les luttes intestines qui, même après la chute de Rosas, ont déchiré le pays, la séparation de Buenos-Ayres du reste de la confédération, les guerres qui l’ont contrainte à y rentrer, l’agitation constante des provinces, la division qui règne entre les partis. On a vu combien le pouvoir était faible, de combien de défiances il était entouré, quels obstacles il avait à vaincre pour réaliser ses meilleures intentions. Cette situation n’a été de nature ni à augmenter par l’émigration le chiffre de la population, ni à développer la puissance et la prospérité de la république. On doit néanmoins rendre justice aux efforts que tente le gouvernement du général Mitre pour faire cesser le désordre, et aux résultats incontestables que son administration prudente obtient depuis deux ans. Quelques personnages importans, le général Urquiza à leur tête, semblent rompre avec le passé, et tenir à honneur de concourir à la pacification. Aussi, dans les quatre premiers mois de 1866 et malgré la guerre étrangère, la confédération a-t-elle reçu 4,780 émigrans européens.

De même que la confédération argentine, le Brésil souffre de l’insuffisance de la population, et voit l’immensité même du territoire devenir un obstacle à l’emploi de toutes ses ressources. Dans ces derniers temps, et sans prendre garde que ce même état de choses se rencontre dans les pays voisins, on a voulu en rejeter la faute sur les institutions propres à l’empire, on a même cru avoir à