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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.



31 août 1866.

Il ne serait ni sain, ni sensé, ni patriotique de prolonger par des gémissemens interminables et une mauvaise humeur querelleuse l’état de surprise, de perplexité et d’inquiétude où les derniers événemens d’Allemagne ont jeté l’opinion publique en France. Les choses se sont passées contrairement aux prévisions des uns, aux vœux des autres, à l’impulsion que de plus ambitieux s’étaient proposé de leur donner ; mais enfin, malgré les désappointemens qu’elles ont excités et les regrets qu’elles laissent, elles ont aujourd’hui la nature nécessaire et le caractère impérieux du fait accompli. Après avoir donné tout ce qui était possible à la critique des fautes passées, il faut bien en venir à tenir compte de la réalité présente et des obligations qu’une situation nouvelle impose à notre conduite future. Le passé n’est plus maintenant notre domaine, nous ne pouvons plus rien sur lui ; c’est au présent et à l’avenir, qui nous appartiennent, que nous devons appliquer nos réflexions et nos efforts. Nous n’en sommes certes point à la première déception, au premier souci que les événemens de notre histoire aient donnés à la France ; maintes fois nous sommes revenus de plus loin. Si les rapprochemens historiques procuraient des consolations, on en trouverait aisément qui ne sont point sans analogie avec la mésaventure de cette année. Par exemple ce n’est point la première occasion que nous ayons eue de contribuer sans profit à l’agrandissement de la Prusse. Lorsque ce prodige d’esprit et d’activité qui s’appelait Frédéric II profita de la mort du père de Marie-Thérèse pour jeter son lot sur la Silésie, la France du cardinal de Fleury lui prêta le plus efficace concours. Frédéric croyait ou feignait de croire que le cabinet de Versailles l’avait secondé mollement ; cependant sans la France, qui alla attaquer l’ennemi commun jusqu’en Bohême, Frédéric eût fini par être écrasé, jamais du moins la reine de Hongrie ne se fût résignée à lui abandonner cette Silésie si enviée par un