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souterraines de Persépolis et de Ninive, mais encore des colonnes, des chapiteaux persans, mêlés à des chapiteaux égyptiens, à des hiéroglyphes dans les frises, amalgame des styles de tous les pays et de tous les temps. Nous sommes ici en pleine décadence de l’art ; ces emprunts faits sans discernement en sont la preuve la plus manifeste. Le goût abâtardi des Romains devait venir se renouveler entièrement à Byzance, près de la source abondante et pure de l’Orient, cette éternelle patrie de la forme et de la couleur. Nous n’hésitons pas à affirmer que ce fut l’art perse de Ninive, de Babylone et de Persépolis, transformé lentement et insensiblement sous les dynasties achéménide, arsacide et sassanide, qui devint à Ecbatane, à Suze, à Hamadan et à Madaïn l’art appelé byzantin, parce que Byzance, la capitale chrétienne, le fit connaître et le répandit dans toute l’Europe catholique. De ce même style découla bientôt, en se modifiant, l’art persan et arabe de l’époque musulmane.

Les chrétiens avaient dû se contenter jusque-là, pour les cérémonies du culte, de salles païennes où ils se sentaient mal à l’aise, et qui ne répondaient en rien à l’idée qu’ils se faisaient d’un temple digne de la foi nouvelle. La basilique ou salle de justice du palais des rois, appropriée à la hâte à une destination moins profane et transformée en église, ne les satisfaisait nullement. D’après les monumens comme d’après les écrits, on peut juger des tâtonnemens, de l’hésitation des premiers chrétiens dans leurs efforts pour trouver une architecture qui pût représenter clairement dans un temple voué au culte l’idée du christianisme. La croix sur laquelle expira le Christ vint naturellement à la pensée, c’était le symbole chrétien par excellence. Toutefois on ne voit pendant cinq siècles que des essais où la variété des détails ne parvient pas à cacher l’absence de toute conception nouvelle et l’impuissance à traduire en pierres l’Évangile. Il a fallu que les empereurs, arrachant leur empire à la routine païenne, s’installassent auprès du berceau même du catholicisme et de l’architecture pour qu’une révélation se fit et que la formule cherchée apparût. Les chrétiens du bas-empire la trouvèrent dans le carré byzantin flanqué de quatre carrés égaux lui donnant la forme d’une croix, ils trouvèrent surtout dans cette architecture élancée et hardie la forme symbolique qu’ils cherchaient, et l’expression du dogme chrétien, d’une religion de prière, d’aspiration et d’espérance. Ils ont exprimé l’enthousiasme que leur inspira cette apparition du style byzantin par une légende mystique. Un ange, disent-ils, descendit du ciel pour donner à l’empereur chrétien le plan du temple modèle, de cette église de Sainte-Sophie, dont la coupole aérienne est l’image de la voûte