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I

Il était dans l’ordre des choses que l’usage de la télégraphie électrique s’appliquât aux besoins de la guerre comme à ceux de la paix. La rapidité des communications n’a pas moins de prix dans l’une que dans l’autre, et même on peut dire qu’elle est pour les opérations militaires la première condition du succès. On n’a pas encore signalé l’emploi du télégraphe électrique sur les champs de bataille ou seulement dans la direction générale de ces mouvemens combinés qui précèdent et préparent entre les armées les rencontrés décisives ; mais d’après l’application qu’on a commencé d’en faire cette année en Allemagne, on peut prévoir le jour où il deviendra le premier aide-de-camp des généraux, et comme le lien commun des corps d’armée entre eux, non-seulement dans la marche et les évolutions stratégiques, mais dans la manœuvre du combat, dans la conduite de ces immenses mêlées qui caractérisent la guerre moderne. Toutefois n’anticipons pas ; examinons ce qu’il y avait à faire et ce qui a été fait, pour être mieux à même de juger du rôle que l’avenir réserve à la télégraphie électrique pendant les campagnes militaires.

Dans la guerre, il y a toujours une offensive et une résistance, un agresseur et un état attaqué, un envahisseur et un pays envahi. Le problème de la communication télégraphique ne peut être le même dans un cas que dans l’autre, ou, pour mieux dire, il semble que ce n’est un problème que pour les belligérans entrés en pays ennemi. Il semble que l’armée qui combat chez elle et défend le territoire attaqué n’a qu’à profiter des lignes parfaitement organisées que l’administration publique met à sa disposition. Il nous sera permis de montrer cependant que l’installation actuelle de la télégraphie électrique ; très suffisante pour le service de la paix, n’est pas appropriée dans la même mesure aux nécessités de la guerre. Si le matériel télégraphique, fils et poteaux, n’est pas à l’abri en temps ordinaire des accidens ou de la malveillance, quels risques ne court-il pas quand le territoire est envahi par l’ennemi ! Combien la mutilation en est facile à ces colonnes volantes dont la mission consiste à intercepter les communications de l’ennemi, et qui arrivent à détruire des chemins de fer sur des étendues de plusieurs kilomètres. Quelques poteaux à abattre, les fils à arracher, et voilà une ligne qui est momentanément hors de service.

Il est donc important, au point de vue militaire, de donner une forme nouvelle à la transmission électrique. Faire disparaître les inconvéniens actuels pour n’en laisser subsister que l’incontestable mérite, une vitesse qui touche à l’instantanéité ; tel serait le but à atteindre, tel le résultat qu’on obtiendrait par l’établissement d’un réseau souterrain. Les fils souterrains sont employés dans presque toutes les villes, notamment à Paris ; la disposition en est très simple : tous les fils sont couchés dans une auge en bois, sur un lit de bitume, et recouverts d’une couche épaisse de la