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l’amour, » nous écrivait ces jours derniers le chancelier actuel de l’échiquier, M. Disraeli[1].

La question préalable a écarté la demande d’enquête de M. Watkin, quoique présentée à la chambre des communes sous la forme la plus modérée. C’est que de nombreuses enquêtes ont déjà eu lieu sur la question ; l’Angleterre en est saturée. Deux fois après la suspension de l’act de 1844, en 1848 et en 1858, les comités ont conclu en faveur du principe qu’il consacre, et ce principe a rencontré pendant la crise de 1866 une adhésion plus éclatante encore. Il faut bien que ceux qui espéraient le voir crouler renoncent une bonne fois à ces tristes prévisions. Les conclusions de l’enquête de 1857-1858 sont encore l’expression fidèle d’une opinion générale sur ce point fondamental. « L’objet principal de la législation est de rendre les variations de la monnaie mixte conformes à celles d’une circulation purement métallique ; personne ne peut prétendre que ce but n’ait pas été atteint[2]. » Les principes de l’act auraient été suivis quand même la loi n’en aurait pas établi l’obligation formelle, car le conseil de la Banque d’Angleterre connaît maintenant ses devoirs et s’applique à les accomplir comme le fait le conseil de la Banque de France.

L’exemple des banques d’Ecosse, si souvent et si complaisamment mis en relief, ne prouve absolument rien en faveur de l’émission libre. En premier lieu, ces banques, au lieu de compter par centaines, comme on l’a dit trop souvent, ne sont qu’au nombre de douze, et l’émission qu’elles font pour la partie non garantie par de l’or est strictement limitée. Elle ne dépasse pas 50 millions de francs[3], alors que les dépôts atteignent, assure-t-on, le chiffre colossal de 70 ou 80 millions de livres (environ 2 milliards de francs). Là est la force, là est la puissance d’action des banques d’Ecosse. Ce n’est que par un artifice de discussion qu’on pourrait attribuer au maigre chiffre de l’émission les merveilles que réalise le principe de la liberté des banques, qui opérerait aussi bien sans billets fiduciaires, et qui, par les comptes-courans, les dépôts, les viremens et les avances d’un capital réel, accomplit seul de grandes choses. Les adeptes passionnés du billet de banque se parent ici des plumes du paon.

  1. Le 21 août 1866. « I believe currency is a subject which has made even more people mad than love. »
  2. Rapport du comité, 66.
  3. Au 23 juillet dernier, la circulation des billets des banques d’Ecosse était de 4,363,000 livres avec un encaisse métallique de 2,413,000 livres ; la différence représente la monnaie fiduciaire, qui n’est point gagée par un encaisse correspondant, et n’offre qu’un total de 1,950,000 livres (moins de 40 millions de francs).