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supposer qu’une modification de la législation de la Banque rétablirait le crédit, de l’Angleterre. L’orateur a voulu établir nettement que ni le gouvernement ni le pays n’admettaient en aucune manière que les difficultés actuelles tiennent au régime de la circulation et au système des banques établi par la loi. En supposant qu’ils pussent être modifiés, il y aurait péril à laisser croire qu’une pareille réforme viendrait guérir les plaies faites par l’imprudence des entreprises mal conçues. Le ministre a reproduit en d’autres termes la pensée exprimée dans le rapport du comité d’enquête de 1858, qu’il n’est pas de système monétaire qui puisse mettre le commerce, la finance et l’industrie à l’abri de leur propre imprévoyance.

Nous avons essayé de résumer fidèlement l’habile argumentation de sir S. Northcote, chargé de parler au nom du nouveau cabinet ; cette attitude fait autant d’honneur à ses lumières qu’à son patriotisme. Si la question n’avait été envisagée que par le côté mesquin des querelles de partis, l’occasion pouvait sembler bonne pour profiter des clameurs des intérêts désappointés en essayant de faire tomber un blâme sur la marche suivie par le dernier chancelier de l’échiquier, par l’illustre chef actuel de l’opposition, M. Gladstone. Sir S. Northcote a repoussé cette mesquine tentation, il n’a voulu voir que l’intérêt véritable de l’Angleterre, et il s’est résolument rangé du côté de son adversaire politique pour défendre les principes de 1844.

Un jeune professeur d’économie politique, très haut placé déjà dans l’estime publique, M. Fawcett, aux paroles de qui l’infirmité dont il est atteint[1] imprime encore plus d’intérêt, s’est empressé d’approuver les idées émises par le ministre du commerce. On nous saura gré sans doute de donner ici le résumé et souvent la traduction littérale de ce remarquable discours. — On a prétendu, dit M. Fawcett, que la charte de la Banque avait amené la dernière crise et devait porter la responsabilité du taux élevé de l’escompte. C’est une illusion trompeuse : si le gouvernement avait accepté la motion d’enquête, il aurait simplement suscité de fallacieuses espérances. Je ne suis pas un ami chaleureux de l’act de 1844, il me semble qu’on pourrait en tempérer la rigueur de manière à en prévenir la suspension arbitraire. Si la crise actuelle tient au crédit, c’est-à-dire si elle témoigne d’un ébranlement de la confiance mutuelle, comment est-il possible de l’attribuer à la charte de la Banque ? La cause est bien autrement sérieuse et profonde, elle est dans cet esprit désordonné de spéculation aléatoire qui dégénère en un jeu coupable, et qui s’est emparé de ce pays. Une

  1. M. Fawcett est aveugle.