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comme un idéal de perfection qui se refuse à la moindre modification, mais il repousse la pensée que la doctrine admise par le législateur soit en rien responsable du mal qu’on a subi, ou que le renversement de cette doctrine pût en prévenir le retour. — Le gouvernement actuel, a dit sir S. Northcote, n’attache aucun intérêt paternel à l’act de 1844 ; mais il croit de son devoir de déclarer que les principes que cette loi consacre lui semblent être les vrais et sains principes sur lesquels la circulation doit reposer. Qu’il soit possible d’introduire dans le mécanisme quelques perfectionnemens qui en rendent le jeu plus facile et moins sujet à quelques inconvéniens ; que l’expérience des paniques anciennes et de la crise actuelle puisse suggérer quelques moyens d’alléger les souffrances sans porter atteinte au système, le gouvernement ne se refuse point à tourner son attention vers cette question grave, et il veut l’examiner avec une sérieuse sollicitude ; il essaiera d’étudier la matière, et s’il réussit à rencontrer une solution favorable, il en fera l’objet d’une proposition dès le début de la session parlementaire, sauf à provoquer lui-même la formation d’un comité de la chambre dans le cas où ses efforts n’auraient abouti à aucun résultat pratique. — On a semblé prétendre que l’act de 1844 empêche l’expansion de la circulation fiduciaire au moment où le recours au crédit devient le plus nécessaire ; mais le crédit doit servir à procurer du capital. Il a élevé l’Angleterre à un haut degré de puissance et de richesse en accomplissant cette large mission ; toutefois il ne saurait l’accomplir au même degré quand le capital manque. Bien que le capital disponible se soit énormément accru, il peut devenir insuffisant, ces deux termes n’impliquent aucune contradiction ; il s’agit en effet d’une question de proportion. Quand on considère la masse des entreprises, la diversité et l’importance des emplois, on comprend aisément que des ressources, même énormes, n’y puissent pleinement satisfaire. On a voté, rien que dans les deux dernières sessions, des chemins de fer dont la dépense s’élèvera au moins à 176 millions sterl. (4 milliards 400 millions de francs). Pouvez-vous et devez-vous fabriquer de la monnaie fiduciaire quand la monnaie est rare ? Telle est la véritable question qui se rencontre au fond de ces difficultés. Faut-il couper un habit à sa taille dans le tissu élastique du crédit, ou bien s’accommoder du drap qu’on possède et tailler le vêtement suivant cette mesure ? — Sir S. Northcote a fermement déclaré que le gouvernement n’entendait point se lancer dans la voie des fictions monétaires. Cependant personne ne saurait demeurer indifférent au spectacle du run sur l’Angleterre qui s’est subitement déclaré, et l’on doit reconnaître que la suspension de l’act de 1844 a été l’origine d’un triste malentendu au sujet de la situation financière du pays. Néanmoins il y aurait erreur à