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recours aux mesures extrêmes en imposant à la direction de la Banque, sinon l’obligation légale, du moins l’obligation morale d’une impulsion plus prudente donnée aux affaires ; celle-ci aurait dû dès le principe obvier au danger en resserrant l’émission, en haussant le taux de l’escompte ; elle aurait empêché ainsi le recours au gouvernement et la suspension de l’act. « Celui-ci avait un triple objet, dit sir Robert Peel. Je reconnais qu’il n’a pas rempli le premier, qui était de prévenir par une contraction prompte et énergique des affaires la panique et le désordre ; mais le bill avait en vue deux autres objets d’une importance au moins égale : l’un était de maintenir et de garantir la conversion constante de la monnaie de papier en or, l’autre d’empêcher que les embarras des temps difficiles ne fussent aggravés par l’abus du papier de crédit sous la forme des billets. » Sous ces deux rapports, le succès a été complet. « Mon opinion, dit sir Robert Peel, est que vous avez aujourd’hui une garantie du remboursement en or plus solide que vous ne l’avez jamais possédée ; mon opinion est aussi que, quel que soit le poids des difficultés qui nous pressent, il aurait été singulièrement aggravé, si vous n’aviez point pris la précaution d’arrêter l’émission illimitée des billets de la Banque d’Angleterre, des banques par actions et des banques privées. » Il continua ce discours, dont M. Macleod parle avec une véritable admiration, en montrant combien il est absurde d’espérer l’argent à bon marché lorsque le capital est rare. Il approuva pleinement la conduite du gouvernement, qui avait opposé une mesure exceptionnelle à une situation exceptionnelle. Sans repousser l’examen d’une révision de l’act, il se prononça sans hésiter en faveur du maintien des grands principes que celui-ci consacre. Certes rien ne ressemble moins que ces paroles à un désaveu de l’œuvre de 1844. Le seul point sur lequel l’attente de sir Robert Peel avait été déçue tenait au manque d’habileté de la direction de la Banque, et non à une disposition de la loi. On avait, dès le mois d’avril 1847, laissé descendre la réserve disponible au chiffre minime de 2,833,000 livres sterling et en octobre jusqu’à 1 million seulement ; cette fauté fut renouvelée en1857 d’une manière plus grave encore, puisque le 10 novembre, deux jours avant la suspension de l’act de 1844, la banking-reserve n’était plus que de 950,000 livres. Depuis lors, le gouvernement de la Banque a été admirablement conduit ; l’ancien et le nouveau cabinet, ainsi que la chambre des communes, lui ont rendu pleine justice.

Le discours de sir Robert Peel, cet exposé des motifs de l’act de 1844, suffirait à lui seul pour en garantir le maintien[1]. Il ne laisse

  1. Nous l’avons fidèlement analysé dans le chapitre XXX de notre ouvrage, la Question des Banques.