Page:Revue des Deux Mondes - 1866 - tome 65.djvu/196

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Il serait inutile de revenir sur la confusion singulière qu’on a voulu faire chez nous entre la liberté de l’émission livrée à la concurrence et la liberté des banques, telle que nous la demandons. M. Michel Chevalier, qui professe l’opinion contraire à la nôtre, a cité les noms respectés de Huskisson et de Storch ; il réveille ainsi le souvenir de deux économistes qui se réunissent pour condamner sa doctrine. Huskisson a dit formellement : « La monnaie et le papier qui promet de la monnaie sont l’une et l’autre une commune mesure dans le commerce et expriment tous deux la valeur de tous les produits[1]. » Quant à Storch, voici ses paroles : « Les billets de banque font partie de la valeur totale du numéraire dont ils représentent une fraction, aussi circulent-ils avec le numéraire métallique en sens contraire des marchandises. Les papiers-promesses au contraire (les lettres de change) représentent une fraction de la valeur mobilière dont ils font partie ; aussi ils cheminent avec les marchandises en sens contraire du numéraire et le croisent dans la circulation. On les crée et on les transmet, on les vend et on les achète contre de l’argent ou des billets de banque, précisément comme toute autre marchandise[2]. » Qu’ajoute James Wilson, dont M. Michel Chevalier ne récusera certes pas l’autorité ? « Sous ce terme de monnaie, nous comprenons aussi les billets de banque, convertibles à volonté, qui, d’après l’acception populaire du terme, constituent avec les espèces la circulation du pays[3]. » Enfin l’apôtre du libre échange, Cobden, s’est exprimé avec le plus de résolution dans le sens des idées que nous défendons ; qu’on relise sa déposition dans l’enquête de 1840, on y trouvera des principes nettement posés. Il déclarait qu’il regardait comme monnaie de papier le billet de banque. « C’est, disait-il, la seule sorte de monnaie que je veuille désigner, et la seule acception dans laquelle j’entende ce terme. » Ainsi que l’a rappelé M. Macleod[4], Cobden faisait la distinction précise entre la lettre de change, simple reconnaissance d’une dette transférable, et le billet de banque, véritable monnaie qui augmente le montant de la circulation.

Personne ne s’est plus énergiquement élevé que Cobden contre

  1. Huskisson, The Question concerning the depreciation of our currency.
  2. Storch, première partie, l. VI, ch. XVI.
  3. Capital, currency and Banking.
  4. Theory and Practice of banking, t. Ier, p. 194, deuxième édition. L’auteur a complètement refondu son ouvrage ; l’expression de ses théories est devenue plus nette ; si elles ont perdu ce qu’elles avaient d’apparente audace, l’application se rapproche maintenant beaucoup plus de la réalité. Nous en félicitons M. Macleod. Personne ne défend, avec plus d’énergie la circulation métallique et ne conseille de mesurés plus sévères (notamment l’élévation rapide du taux de l’escompte) pour préserver de tout trouble la mesure commune de la valeur.