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l’esprit ? pourquoi ne pas mettre la lettre des dispositions d’accord avec le fait ? La chose semble facile. Il eût été bon de traduire cette pensée en article de loi, rien n’était plus simple ; telle avait même été la pensée primitive de sir Robert Peel, il l’avait ainsi formulée : « une autorisation du gouvernement sera nécessaire pour toute émission additionnelle dans des circonstances déterminées. » On préféra ne pas prévoir le cas ; on aima mieux obliger le gouvernement à venir demander un bill d’indemnité chaque fois qu’il aurait dépassé la lettre stricte de l’act. Puisque c’était une garantie désirable contre des mesures inconsidérées, pourquoi ne pas en faire l’objet d’une disposition spéciale ? Si elle avait été comprise dans la loi de 1844, ce qu’on a nommé à tort une violation de l’act n’en aurait été que l’application régulière. Tout le monde le savait et sir Robert Peel l’avait affirmé à plusieurs reprises : la limite posée n’était pas assez rigide pour ne point s’abaisser devant une décision du conseil de la reine, prise sous la responsabilité ministérielle et sanctionnée par la représentation du pays. On aurait évité ainsi jusqu’à l’apparence d’une mesure arbitraire ; ce qui n’a pas été accompli alors peut être fait aujourd’hui.

Quant à la séparation des deux départemens d’émission et de banque, elle traduit sous une forme saillante, bien comprise par tous, un procédé de prévoyance que la Banque d’Angleterre avait déjà essayé d’appliquer au moyen d’une simple division de comptabilité. En fait, le système suivi par les deux grandes institutions de Londres et de Paris diffère beaucoup moins qu’on n’est disposé à le supposer. L’une et l’autre s’attachent à mesurer l’émission suivant la situation monétaire ; seulement ce que le calcul et la prudence décident chez nous se trouve en Angleterre réglé avec la précision rigoureuse d’un mécanisme. Une certaine somme de billets circule toujours, ne demande jamais à être échangée contre de l’or ; c’est cette quotité indiquée par une longue expérience qui sert de régulateur. La Banque d’Angleterre est forcée, aussitôt que le niveau ainsi déterminé se trouve dépassé, d’ajouter à la garantie en fonds publics une réserve d’or rigoureusement équivalente au surcroît variable de la circulation fiduciaire. La Banque de France procède de même : elle accroît ou elle cherche à maintenir d’une manière correspondante la réserve métallique ; elle a constamment obéi à ce devoir avec une sagesse à laquelle tout le monde rend hommage. Aussi le législateur n’a-t-il pas cru avoir besoin de s’armer contre elle d’une précaution matérielle, il ne lui a imposé aucune limite fixe pour la circulation non couverte par le métal. Pourquoi n’en a-t-il pas été de même de la Banque d’Angleterre ? C’est que the old lady of Threadneedle-street n’a pas toujours été une prudente et circonspecte matrone, elle a eu au contraire de