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avances ? N’est-il pas honteux pour l’Angleterre qu’elle ait subi pendant trois mois l’escompte à 10 pour 100, tandis que la Banque de France ne demandait que 4 et 3 1/2 pour 100 ? Rien n’a été épargné dans ce sens de ce qui peut irriter et de ce qui peut séduire les esprits. C’est en vain qu’il y a deux ans M. Goschen, dans son remarquable écrit intitulé Sept pour cent (Seven per cent), avait mis à néant ces spécieux artifices ; on a profité de l’excitation du public pour reproduire le même thème, et des besoins factices ont cherché à ressusciter des erreurs victorieusement réfutées. Toutefois les fantaisies attardées des disciples déguisés de Law ne nous inquiètent guère pour un pays positif et éclairé comme l’Angleterre. Des systèmes sérieux peuvent seuls y être sérieusement débattus. Tous les hommes dignes d’être écoutés y sont fermement attachés au principe de la circulation métallique ; ils n’admettent le billet qu’autant qu’il représente fidèlement l’or, et qu’il s’échange à volonté contre de l’or ; ils ne diffèrent que quant au mode à choisir pour assurer ce résultat capital. Les membres de l’ancien et du nouveau cabinet, la chambre des lords et la chambre des communes, le club d’économie politique et les organes accrédités de la presse, tout le monde est bullionist[1], sévèrement bullionist ; tout le monde aujourd’hui comprend que la monnaie n’est pas simplement un signe d’échange, qu’elle doit être un équivalent, posséder une valeur intrinsèque, afin de servir d’évaluateur commun de tous les produits et de tous les services, de véhicule au commerce international.

C’est le souverain d’or, d’un poids et d’un titre déterminés, qui constitue la base de la circulation britannique. L’école de Birmingham, après avoir essayé de ressusciter une vieille méprise, s’est abîmée dans le désastre de la célèbre maison Attwood and Spooner. Cependant la lutte, transportée sur un autre terrain, n’est ni moins vive ni moins grave. Il est admis sans contestation aucune que le billet de banque doit être constamment échangeable contre de l’or ; reste à savoir comment il faut s’y prendre pour assurer l’application de cette règle fondamentale. Le billet de banque remplit la fonction de la monnaie, il circule comme elle, il termine les transactions, il ne rapporte rien et ne vaut que comme instrument d’échange. « Le public reçoit et donne les billets comme une monnaie réelle, » disait M. Mollien. Le billet, qui exerce la même influence et qui accomplit le même service que le numéraire métallique, doit-il être soumis au contrôle public ? La création des billets est-elle une industrie, ou rentre-t-elle, comme le dit Tooke, dans la

  1. Nom donné aux adeptes du système métallique.