Page:Revue des Deux Mondes - 1866 - tome 65.djvu/16

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Perse, Byzance, Bagdad, observant les points nombreux de comparaison entre les monumens qui les couvrent, on cherche la date exacte où l’art perse primitif a subi une transformation importante, il est presque impossible de la saisir. Cette transformation a eu lieu néanmoins, et c’est vers la naissance du Christ qu’il faut reporter le commencement de l’époque de transition. La philosophie nouvelle, le grand courant d’idées qui traverse alors le monde, agitent tous les esprits, renouvellent pour ainsi dire les âmes, et ouvrent aux sciences, aux arts des perspectives infinies. La fondation de Byzance, la reconstruction d’un empire romain en Orient par ceux-là mêmes qui avaient achevé sa ruine, marquent une date décisive dans l’histoire de l’art oriental.

La misère, l’impuissance, l’anéantissement politique amenés par la débauche, la paresse et l’incrédulité s’étendaient de plus en plus dans les villes romaines, causant ces révoltes et ces convulsions qui sont les avant-coureurs de la chute des empires. En prenant la détermination de transporter en Orient le siège du gouvernement, Constantin obéissait sans doute dans une certaine mesure à des raisons politiques et religieuses, au désir de développer sur une terre plus libre, à l’abri des révoltes suscitées par le paganisme expirant, la religion nouvelle qu’il avait entrepris de faire triompher. Il était aussi poussé par une tendance générale de l’opinion. L’Orient était en ce temps-là pour l’Europe, et à bien plus juste titre, ce que furent longtemps les deux Amériques, une sorte de pays doré, de lieu de refuge, où la vie devait être paisible, heureuse et à bon marché. De toutes parts surgissaient des projets d’émigration en masse. Les empereurs eux-mêmes se laissaient aller à cette impulsion, et on les voit à diverses reprises faire des tentatives pour transporter la capitale soit en Afrique, soit en Asie. Ces tentatives, Constantin les réalisa. Quand on vint s’installer sur le Bosphore, on était las de Rome. Ces vainqueurs chargés de dépouilles, déjà habitués au luxe merveilleux des pays conquis, frappés de la supériorité de l’Orient, au lieu d’imposer leur influence à la capitale moderne, subirent au contraire, et sans presque s’en apercevoir, la fascination de ces beaux lieux. Peu inventifs par eux-mêmes et peu commerçans, comme c’est le propre des peuples guerriers, ils adoptèrent bien vite les idées et les goûts de ces contrées. De ce moment apparaît cet art byzantin qui n’a rien de l’art romain, rien surtout de l’art grec antique, si ce n’est quelques fûts de colonne qu’on adopta parce qu’ils étaient tout taillé ? et de matière précieuse, mais dont on modifia entièrement les chapiteaux, les bases, l’ornementation. Qui pourrait reconnaître en effet dans les monumens de Byzance le style grec et l’influence des successeurs