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En 1848 comme depuis, l’Angleterre était plus dure que personne pour la domination Autrichienne en Italie, elle allait plus loin que personne dans l’expression de ses sympathies libérales, mais en même temps moins que personne elle voulait agir. Une assistance diplomatique, — si cette assistance pouvait convaincre l’Autriche qu’elle n’avait qu’à se retirer bénévolement, — c’est là le secours qu’elle prêtait à l’Italie ; l’inaction dans tous les cas, s’il fallait aller au-delà, c’est le secours qu’elle prêtait d’un autre côté à l’Autriche, et rien ne peint mieux la politique anglaise que ces paroles presque naïves adressées par lord Normanby à un agent vénitien : « Vous ne pourriez affirmer que jamais le gouvernement anglais vous ait fait une promesse qu’il ne veuille ou ne puisse plus tenir. Il n’aurait pu vous promettre de faire la guerre pour vous, attendu que le peuple anglais ne veut pas faire la guerre… » En réalité, l’Angleterre était beaucoup moins occupée de décider une victoire au-delà des Alpes que d’empêcher autant que possible la France de descendre en Italie. Une fois ce but atteint, elle se dégageait assez lestement avec beaucoup de marques de sympathie pour les vaincus et disait à Venise : « Vous n’avez qu’à vous soumettre, et le plus tôt sera le mieux. »

Quant au rôle de la France dans les affaires italiennes de ce temps, et surtout dans les affaires vénitiennes, je ne sais s’il y eut jamais une politique plus embrouillée, plus décousue, plus vaine et plus mortelle à ceux qui l’ont pratiquée. Que fallait-il pour intéresser la France républicaine à Venise ? Rien ne manquait assurément, ni le droit, ni le fait de l’indépendance acquise, ni le prestige d’une cause généreuse, ni même l’occasion de relever le principe de la révolution française par la réparation de l’iniquité de Campo-Formio. Malheureusement les affaires de Venise se mêlaient aux affaires de l’Italie tout entière, et c’est ici que la politique française s’embarrassait pour aboutir au plus éclatant aveu d’impuissance sous la forme d’une médiation fuyante et inutile. Elle voulait et elle ne voulait pas ; elle était poussée par son principe, par ses sympathies, par un besoin d’action à franchir les Alpes, et elle craignait de se compromettre dans une grande affaire extérieure ; elle était arrêtée par mille considérations plus médiocres. L’idée d’aller au secours d’un roi la troublait ; la répugnance qu’elle rencontrait chez beaucoup d’Italiens la froissait. Elle cédait aussi à ce préjugé suranné de diplomatie, qui consistait à voir un danger pour la France dans la constitution d’un puissant état de l’Italie du nord, Mais voyez la contradiction : si cette création d’un royaume de l’Italie du nord avait de si sérieux inconvéniens pour la France, c’était bien le cas de diminuer le danger en aidant la république