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qui sont survenues cette année, les excentricités du congrès de Liège, la propagande maçonnique, les diatribes anti-cléricales de Garibaldi, la convention du 15 septembre et les périls qui menacent Pie IX. Nous regrettons que M. Dupanloup n’ait réussi à nous montrer que les signes trop visibles de la confusion d’idées qui a envahi son esprit. Nous étions habitués à estimer le talent de M. Dupanloup, sa vigueur et sa chaleur de polémiste, l’élévation de sentimens et l’éloquence mâle qui ont animé plusieurs de ses écrits. Nous ne nous attendions pas à voir ce militant évêque prêter de la façon la plus décousue et la plus incohérente les plus gros accens de sa voix à des préjugés de bonne femme. Il s’agissait tout simplement d’émouvoir la charité publique en faveur de ceux de ses diocésains qui ont été frappé par le fléau de l’inondation. Qu’a de commun un objet aussi simple et aussi louable avec le congrès de Liège, la maçonnerie, le garibaldisme et la convention du 15 septembre ? Pourquoi ces rapprochemens entre les épidémies, les débordemens de rivières, les tremblemens de terre, qu’on s’attendrait plutôt à trouver dans un almanach que dans un mandement ? M. Dupanloup s’adresse à la superstition populaire, qui voit des manifestations de la colère divine, des avertissemens d’en haut, dans les troubles apparens de la nature, lesquels ne sont, il le sait bien pourtant, que les effets strictement nécessaires des lois naturelles. Qui aurait prévu que l’honorable évêque d’Orléans tomberait si bien d’accord avec le Chinois qui, pour apaiser le courroux des célestes dragons, frappe son gong devant l’éclipse de lune ? Cette théologie et cette astrologie mêlées sont d’un goût bien douteux. Quelle autorité persuasive peuvent avoir des tirades fondées sur l’interprétation la plus intempestive et la plus erronée des phénomènes naturels ? Rien de plus respectable et parfois de plus touchant que les exhortations de la morale religieuse s’adressant dans l’intimité de la conscience aux délicates responsabilités de l’âme humaine ; mais rien aussi de plus choquant que ces déclamations théurgiques qui s’efforcent d’altérer le sens des lois physiques. Quel rapport peut-il y avoir entre le choléra et les impiétés garibaldiennes, entre les malheurs que cause aux diocésains de M. Dupanloup le débordement des affluens de la Loire et le congrès de Liège, dont ces infortunés n’auraient probablement jamais entendu parler sans les fulminantes apostrophes de leur fougueux évêque ? En vérité, cette sortie de M. l’évêque d’Orléans est incroyable ; on ne voudrait point voir de tels écarts d’esprit chez un homme qu’on est habitué à respecter toujours, même en le combattant quelquefois.

Le mouvement réformiste se poursuit en Angleterre. M. Bright vient de donner des exhibitions populaires à Manchester, à Leeds, et promènera son apostolat dans les principaux centres manufacturiers. Cependant cette agitation, quoiqu’elle réunisse d’énormes foules partout où se présente le vigoureux orateur, n’est point accueillie avec faveur par la véritable opinion publique, celle que forment les classes moyennes d’Angleterre. Plu-