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une vieille garde qu’une garde nationale. Il nous paraît impossible de travailler à la reconstitution de l’armée française sans imposer les plus sérieuses restrictions au remplacement. Peut-être, pour alléger l’obligation du service aux jeunes gens destinés aux carrières libérales, serait-il sage d’adopter l’exception pratiquée en Prusse. Dans ce pays, les jeunes gens qui ont reçu une instruction littéraire ou scientifique, dont les études ont été terminées par des examens, ne doivent le service actif que pendant une année. Il arrive souvent que les jeunes gens qui remplissent ces conditions se retirent après une année de service avec une patente d’officier. La Prusse peut ainsi compter, au moment du danger, sur un grand nombre d’officiers qui ne lui coûtent rien le reste du temps. Pour avoir en France une réserve semblable de jeunes officiers, il faudrait opposer au remplacement les restrictions les plus sévères et rendre l’exonération très difficile aux jeunes gens instruits dont on pourrait tirer un tel parti. On voit, par ces courtes échappées sur la question militaire, tout ce que remue le projet de réorganisation annoncée. Il s’agit d’une réforme des pratiques militaires et d’une mâle régénération des mœurs civiles ; il est visible qu’on ne pourra former les soldats dont la France a besoin qu’en donnant aux Français tous les attributs politiques qui constituent le complet citoyen. « Si tous les Français, nous écrit-on d’Allemagne, étaient pénétrés du véritable état des choses, ils n’hésiteraient point sur ce qu’ils ont à faire. »

Si l’on se met de tout cœur au travail de la réforme militaire, si l’on apporte à cette œuvre l’allègre abnégation du patriote et la prévoyante fermeté du citoyen, si le gouvernement et le pays font ce qu’il faut pour s’entendre en une confiance libérale et mutuelle, on aura trouvé avec une simplicité et une droiture qui ne seront point sans grandeur la diversion dont la France a besoin après les tripotages et les coups de tonnerre de la question prussienne et au moment fixé pour la rentrée de notre armée du Mexique. La vraie diversion n’est que là ; elle ne serait point dans les expédiens empiriques et dans les prestiges du charlatanisme. Il ne faut pas non plus se bercer de l’illusion puérile qu’on répondra à tout l’année prochaine avec l’exposition universelle, et que la pensée politique de la France pourra s’absorber et s’oublier au tumulte de la plus éclatante des foires, réunie dans le plus grand village du monde. Nous ne demanderions pas mieux, quant à nous, que de n’avoir à revenir que très sommairement sur les désenchantemens de l’entreprise mexicaine et de cesser de gémir sur cette lubie de politique à l’espagnole dont la fin est si triste. Tandis qu’en Europe la santé de l’impératrice Charlotte chancelle, comme troublée par une série de cauchemars acharnés, les dernières nouvelles de l’empereur Maximilien arrivées ici le représentaient comme résolu à rester au Mexique et à tenter seul la fortune, même après le départ des Français : il pressait avec impatience le retour de l’impératrice. Il est peu probable qu’il per-