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Dans ces recherches sur l’antiquité orientale, nous ne nous sommes pas borné à mettre en présence des textes d’une authenticité souvent douteuse et à disserter sur des inscriptions. La critique archéologique, pour acquérir un caractère de probabilité approchant de la certitude, a besoin qu’on lui applique une autre méthode, celle à laquelle sont dus depuis soixante ans les étonnans progrès des sciences naturelles, c’est-à-dire l’expérimentation directe. Nous avons essayé d’étudier et de surprendre sur le vif la signification intime de l’art oriental et l’esprit de la société dont il émane. De pareilles observations sur un art qu’en Europe on croit éteint, sur une civilisation dont la splendeur s’est depuis longtemps obscurcie, ne sont cependant pas encore impossibles. En Orient, il y a dans les monumens certaines dispositions, certains ornemens, certains types pris dans la nature même du pays, que l’on retrouve malgré les changemens de dynastie, de régime et même de religion ; il y a dans les habitudes de la vie, dans les coutumes journalières des détails sur lesquels le temps est sans influence, et qui n’ont subi depuis l’antiquité la plus reculée aucune modification. Ces formes fixes, ces élémens invariables donnent à la critique, quand elle est parvenue à les dégager, de vives lumières, et nous font pénétrer au plus profond de l’âme et de l’art d’un peuple.

C’est en nous appuyant sur ces principes que nous avons entrepris une histoire ou plutôt une généalogie de l’art, que nous suivons depuis les premières origines orientales jusque dans les déviations que lui ont fait subir les exigences du changement de climat et de civilisation, quelquefois même celles d’un aveugle caprice[1]. Aujourd’hui, passant par-dessus l’époque antique, nous nous occuperons d’abord de ce moyen âge oriental, source de toute la civilisation moderne, de cette renaissance du monde dont le Christ est le divin promoteur.


I

L’art chez les peuples anciens, ou, pour mieux dire, l’art en Orient se résume dans l’architecture. C’est là le principe qui entraîne tout dans sa sphère et devant lequel le reste n’est qu’un accessoire. De tous les arts, l’architecture est en effet le plus utile, le plus beau et assurément le plus grand. Il n’en est pas de même dans la Grèce antique, il n’en est pas de même non plus dans les

  1. Dans nos précédens articles sur les arts décoratifs (voyez la Revue du 15 octobre 1861 et du 15 juin 1862), nous n’avons abordé que la fabrication des étoffes et des émaux, porcelaines et faïences. Maintenant, c’est de l’art décoratif des villes, de l’architecture, qui se rattache à tous les autres arts, que nous allons nous occuper.