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LE NOUVEAU LOUVRE.

faire de la richesse, pour employer beaucoup de plomb ! Beau résultat ! Ces ornemens seraient vraiment riches, s’ils étaient autrement conçus, sauf à coûter la moitié moins.

Nous citons cet exemple parce qu’il est un des plus saillans ; mais ce n’est pas seulement ce luxe de plomberie qui ouvre les yeux au public. Pierre ou plomb, peu importe, il aperçoit le vice de ces décorations ; il en pèse le prix ; son bon sens se révolte et ses goûts sont choqués. Aussi nous espérons, sans trop grand optimisme, que nous touchons au port. Le grand projet, le plan de reconstruction, ou pour mieux dire de destruction totale, nous semble devenu à peu près impossible. Ce qui subsiste restera, tout au moins à partir des vieilles Tuileries ; on n’ira pas plus loin, la part du feu est faite. Nous serions moins confians si la première campagne avait été conduite avec plus de prudence et de sobriété, on en pourrait tenter une seconde. C’est le pompeux étalage de ces magnificences qui nous devient une garantie. Qui voudrait maintenant, de sang-froid, sciemment, prendre à son compte une seconde fois, autoriser par de nouveaux crédits des travaux que personne n’approuve ? Les plus dociles reculeraient, on ne les mettra pas à l’épreuve.

Ce sera donc une consolation pour tous les gens de goût, pour les amis de notre art national, que de sauver le peu qui reste de ces constructions historiques. Quant à la disparate qui en pourra résulter entre les deux côtés de la place du Carrousel, c’est la moindre des choses ; dans un si vaste espace, où est la nécessité d’une parfaite symétrie ? Passe encore pour les monumens dont on saisit l’ensemble d’un coup d’œil ; il est bon que les parties qui se correspondent n’aient pas entre elles par trop de dissemblance. Et encore est-ce un bien grand malheur qu’une des tours de Saint-Sulpice ne soit pas trait pour trait l’imitation de l’autre ? À plus forte raison doit-on se résigner lorsqu’il s’agit de constructions si éloignées les unes des autres que jamais le regard ne les embrasse en même temps. Cette disparate après tout ne sera pas sans intérêt pour les générations qui nous suivront : elle servira de commentaire à bien des choses de ce temps-ci.

Ce qui sera pour nous, si nos vœux s’accomplissent, un sujet plus sérieux de regrets que ce défaut de symétrie, ce n’est pas seulement la perte irréparable de tant de nobles pierres dont sans raison on a hâté la chute, ou, ce qui est pis encore, qu’on a déshonorées comme ce pavillon de Pierre Lescot, c’est avant tout une occasion manquée, une grande occasion de donner à notre architecture, et par elle à tous nos arts du dessin, de solennels et salutaires exemples. Jamais en ce pays, quelque prospérité, quelques