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sur la réserve commerciale, c’est-à-dire sur la somme des ressources disponibles, sur le capital sérieux que la Banque peut employer. La Banque d’Angleterre opère avec son capital et ses bénéfices acquis (rest), représentés par les billets émis jusqu’à concurrence de 15 millions de livres (375 millions de francs) en échange de la dette de l’état (11 millions) et de fonds publics (4 millions) déposés dans l’issue department[1]. Au-delà de cette quotité, tout billet émis est garanti par un dépôt équivalent d’or : le gouvernement de la Banque ne fait qu’appliquer exactement la disposition légale ; il n’exerce aucun pouvoir sur l’issue department, dont l’action s’accomplit d’une manière spontanée, en vertu d’un mécanisme self-acting, qui assure la solidité entière de la circulation. Les novateurs désireraient que la Banque pût, en augmentant la garantie en fonds publics, être autorisée à accroître le nombre des billets au-delà de la limite rigide de 15 millions de livres. C’est à cela que se borne également l’effet pratique de la suspension temporaire de l’act de 1844, suspension décidée à trois reprises par le gouvernement, en 1847, en 1857 et le 12 mai 1866.

Cette suspension, qu’on a prétendu être la destruction des prévisions de l’act, a toujours exercé une influence utile sur l’émotion du public et calmé comme par enchantement un mal d’imagination. Les hommes d’affaires, même les financiers habiles, obéissent aux terreurs irréfléchies de la foule. Il est des maladies nerveuses, a dit un écrivain de beaucoup d’esprit, M. Bonamy Price, pour lesquelles une fiole d’eau claire fournit un excellent remède, pourvu qu’elle sorte de l’officine d’un pharmacien renommé ; les femmes ne sont pas seules sujettes à ces attaques, et la triple expérience accomplie à l’égard des dispositions restrictives de l’act de 1844 prouve que l’excitation extrême résultant de la crise financière peut s’apaiser par suite d’une mesure qui ne diffère pas beaucoup d’une fiole d’eau claire.

L’organisation de la Banque d’Angleterre repose sur la publicité ; chaque semaine des relevés exacts révèlent au public la situation des deux départemens qui constituent ce grand établissement. Le département de l’émission (issue department) déclare quelle est la quotité des métaux précieux qui complètent, ajoutés à la somme fixe des sécurités engagées, la garantie d’une quotité égale de billets délivrés ; mais du moment où personne ne met en doute la sincérité de cet état, il attire peu l’attention. On sait que la monnaie fiduciaire possède une pleine garantie, on n’a plus à s’occuper, comme avant 1844, du remboursement des billets en or ; l’act de

  1. Nous avons arrondi les chiffres, qui sont exactement : 11,015,100 livres sterling pour la dette de l’état, 3,984,900 pour les autres fonds déposés dans le département de l’émission.