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principe psychologique et le principe expérimental de la relativité appartiennent à deux terrains différens. Le terme où l’un conduit est de suprême importance, puisqu’il s’agit de la conception du monde ; le second ne mène qu’à une certaine condition de notre mode de connaître et de notre esprit. Toujours et partout on trouve la psychologie subordonnée à la philosophie positive.

M. Mill est un critique qui, passant aux imperfections de détail, les signale sans être inquiet de les mettre à la charge d’un fond qu’il n’admet pas ; moi, je suis un disciple qui les signale comme des taches qu’il est utile de faire disparaître afin de donner plus d’éclat et de force à un fond que j’accepte. C’est pour ces deux buts différens que nous nous rencontrons en des critiques secondaires. M. Comte, on le sait, n’apercevant que la négativité des dogmes révolutionnaires, les poursuivit d’une polémique inexorable. M. Mill montre que ces dogmes, outre la partie proéminente, qui est négative, renferment aussi une partie positive qui ne doit pas être négligée.


« La souveraineté du peuple, dit-il, cet axiome métaphysique qui en France et dans le reste du continent a été si longtemps la base théorique de la politique démocratique et radicale, est regardée par M. Comte comme purement négative et exprimant seulement le droit du peuple à se débarrasser par l’insurrection d’un ordre social devenu oppressif, et il ajoute que, si on l’érigé en principe de gouvernement, elle condamnera indéfiniment tous les supérieurs à une dépendance arbitraire à l’égard de la multitude des inférieurs, et qu’elle est une sorte de transfert aux peuples du droit divin tant reproché aux rois. Sur cette doctrine, en tant que dogme métaphysique ou principe absolu, la critique est juste ; mais il y a aussi une doctrine positive qui, sans aucune prétention à être absolue, réclame la directe participation des gouvernés dans leur propre gouvernement sous les conditions et avec les limitations que ces fins imposent. »


J’accepte cette rectification, j’accepte aussi celle du point de vue de M. Comte par rapport au protestantisme :


« Comme presque tous les penseurs même incrédules, dit M. Mill, qui ont vécu dans une atmosphère catholique, M. Comte ne voit le protestantisme que par son côté négatif, regardant la réformation comme un mouvement purement négatif auquel il fut coupé court prématurément. Il ne semble pas s’apercevoir que le protestantisme ait eu aucune influence positive différente de l’influence générale du christianisme, de sorte qu’il laisse échapper un des faits les plus importans qui en dépendent, c’est-à-dire la remarquable efficacité qu’il a eue, par opposition au catholicisme, pour cultiver l’intelligence de chaque croyant individuel. Le protestantisme, qui fait appel à cette intelligence, compte qu’en le recevant elle sera active, non passive. Le sentiment d’une responsabilité directe de l’individu envers Dieu est presque entièrement une création du protestantisme, même quand les protes-