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vous ai vue redouter le préjudice que son ambition pouvait vous porter. J’ai réiléclii et je l’ai interrogé. J’ai su ce quil voulait. Il est dégoûté du pays et de sa condition actuelle. Il veut de l’argent comptant et sa liberté. Je lui ai conseillé de partir, il est parti. Je lui ai promis l’argent dont il vous disait avoir besoin, vous le lui enverrez. Vous serez ainsi délivrée de ses plaintes et de vos impatiences, de ses obsesssions et de l’indignation qu’elles vous causaient. Vous ferez un sacrifice nécessaire à votre repos et au mien, sacrifice qui me paraît peu de chose auprès des avantages que vous en retirerez sous tous les rapports.

Je m’étais préparé à tout en parlant ainsi, et pourtant l’effet de ma déclaration me surprit extrêmement. Au lieu de se résigner à un arrêt si modéré et de comprendre qu’elle ne pouvait pas trop payer le silence et l’éloignement de son complice, Félicie se révolta contre le sacrifice d’argent que je lui imposais. Elle si généreuse et si désintéressée, car elle l’était toujours, elle se sentit humiliée d’avoir à compter avec celui dont elle avait subi la flétrissure, et qui, de la prière et de la soumission, semblait passer au commandement et à la menace. Sa richesse avait été une puissance, une arme entre ses mains, et plus encore, hélas ! un moyen de séduction ou d’intimidation qu’elle avait sans doute rougi de compter pour quelque chose dans ses honteuses amours, et qui avait pourtant compté pour beaucoup, elle me le laissait voir !

Elle défendit donc avec énergie le seul moyen qui lui restait de ramener l’ingrat à ses pieds ; oui, elle défendit son argent avec âpreté, assurant que je m’étais trompé sur la gravité de ses discussions avec Tonino, et que je ne pouvais pas parler sérieusement en la condamnant à céder à des exigences aussi déplacées. — D’ailleurs, ajouta-t-elle, vous vous trompez encore bien plus, si vous croyez que nous aurons acheté la paix. Tant qu’il me restera un pré ou un champ, il rêvera de me le faire vendre pour l’aider dans ses spéculations. Plus il obtiendra, plus il comptera obtenir, et avant deux ans vous le verrez revenir ici pour nous supplier.

La malheureuse se flattait de cet espoir. Je n’hésitai pas à le lui ôter. Je ne voulais pas punir, mais je voulais faire cesser le mal.

— Vous savez, lui dis-je, que Tonino est très poltron. S’il revient, je le menacerai, et cela suffira pour l’éloigner à jamais. Vous n’ignorez pas qu’il est certains hommes qui ne peuvent pas lutter un instant contre certains autres hommes. Je le lui ai fait sentir. Il ne reviendra pas, et il ne vous écrira jamais. Quant à s’adresser à moi pour obtenir d’autres sommes, je doute en effet qu’il y renonce ; mais cela importe peu : je me ferai juge de ses besoins, et s’ils sont réels, vous comprendrez qu’il faut venir à son aide. Quand vous lui