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sée du souverain ne produit que des fautes; quand les omnipotens n’ont pas de génie, on dirait que le pouvoir n’est pour eux qu’une occasion de commettre des erreurs et d’encourir des revers; aucune pensée prévoyante, aucune initiative forte et continue ne peut sortir de l’atmosphère de courtisans indolens ou étourdis ou frivoles qui les entoure. Un jour vient où l’on se réveille de l’infatuation au fond des abîmes. C’est ce qui arrive à l’Autriche, absolument désemparée par la perte d’une bataille. Les fautes politiques de l’Autriche ont été dans ces circonstances plus graves et plus funestes que ses fautes militaires: celles-là ont été la cause de celles-ci. On ne peut se figurer que cette vieille chancellerie aulique n’ait pas mieux connu son Allemagne fédérale, qu’elle n’ait pas pourvu à la levée et à la réunion opportune des troupes de ses alliés, qu’elle ait même compté sur le concours efficace des contingens fédéraux, que du moment où elle voulait affronter la guerre avec la Prusse, elle n’ait point été décidée à opposer à ses ennemis des forces égales, qu’elle ait laissé croire à une armée de huit cent mille hommes, qu’elle y ait cru elle-même peut-être, lorsqu’elle n’en a montré que cent cinquante mille en Italie et moins de trois cent mille en Bohême. Ce terrible coup réveillera-t-il enfin l’Autriche? La cour de Vienne comprendra-t-elle qu’il n’y a point de salut pour les états européens en dehors des idées modernes, c’est-à-dire des libres institutions populaires et des organisations administratives positives et strictement contrôlées? Se résoudra-t-elle à réaliser un accord définitif avec les nations diverses qu’elle est appelée à régir et à donner enfin à ces peuples satisfaits des garanties collectives? Se rejettera-t-elle au contraire, poussée d’une frayeur à l’autre, dans les tristes réactions absolutistes? Si par malheur ce dernier parti est celui qu’elle adopte, c’est alors en effet qu’on pourra dire, au milieu des faciles gaîtés et des derniers étourdissements de la vie de Vienne, que la fin de l’Autriche est proche.

Nous n’avons point ici à reproduire l’analyse des préliminaires signés à Nikolsburg et déjà publiée, peut-être inexactement, par les journaux de tous les pays. On peut, quoi qu’il arrive à propos des détails, considérer comme établis les traits généraux de la future paix. Ce qu’on en connaît peut déjà donner lieu à deux sortes d’interprétation. Les superficiels, les optimistes, ont de quoi louer tout à leur aise la modération du roi de Prusse; les esprits graves peuvent mesurer la nature du voisinage nouveau que la reconstitution de l’Allemagne va donner à la France. L’Allemagne prussienne, pour commencer, s’arrêtera au Mein; encore le roi de Prusse a-t-il trouvé le moyen de concilier avec l’autorité politique et militaire de sa couronne son respect pour le droit divin des vieilles souverainetés et ses bons et honnêtes sentimens pour les princes à qui il se croit obligé d’enlever les principaux attributs du pouvoir. Grâce aux idées et au caractère du bon roi Guillaume, nous allons avoir le spectacle d’une résurrection à laquelle l’Europe moderne ne s’était point attendue, nous verrons au centre