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LE NOUVEAU LOUVRE.

que obligatoire. À moins d’y être condamné par une sorte de consigne, quel artiste aujourd’hui oserait faire emploi de ce motif usé et affubler de cet uniforme les monumens qu’il construit ? Visconti, comme on l’a vu plus haut, entendait bien s’en affranchir, et ce n’était pas par des balustres, c’était en s’inspirant des belles découpures dont Pierre Lescot a surmonté sa façade de la cour du Louvre qu’il avait l’intention de couronner les siennes. Pourquoi donc avoir pris, même à propos de ce détail, le contre-pied de son projet ? Si le plan rectifié, en supprimant les combles apparens, avait adopté un système de terrasse et déguisé toute espèce de toit, comme l’avait fait Perrault au-dessus de la colonnade, on comprendrait que les balustres eussent été préférés, car ils se seraient alors détachés sur le ciel, ce qui est conforme à leur nature et à leur vraie destination. Il en est tout autrement. En renonçant au toit à la française, on n’a pas adopté la terrasse italienne, on est resté entre les deux ; on a imaginé un comble à moitié apparent, tronqué, bâtard, ne sachant pas ce qu’il veut être, devant lequel les découpures de Pierre Lescot, sans tablette d’appui, auraient encore leur raison d’être, tandis que la balustrade proprement dite, adossée à ce toit, se détachant sur ce fond gris, est un tel contre-sens qu’il n’y a vraiment aucune excuse à s’être ainsi permis un changement de plus aux intentions de Visconti.

Si du moins, les balustres admis, on leur avait donné une forme vigoureuse, de justes proportions, une importance suffisante, nos regrets seraient fort atténués. N’a-t-on pas vu au dernier siècle, vers la fin de Louis XV et tant que Louis XVI a régné, des hommes pleins d’esprit et de ressources, de véritables architectes, qui se sont fait un style sans obéir, comme leurs prédécesseurs, seulement au caprice, sans s’imposer non plus de serviles entraves, s’appropriant l’antique sans s’y assujettir, l’interprétant, l’adaptant à nos mœurs et nous laissant ainsi de précieux modèles, mieux compris, mieux goûtés chaque jour, ne les a-t-on pas vus prêter à leurs balustres un accent tout nouveau par quelques heureuses variantes de galbe et de disposition ? Ils ont fait mieux encore : pour sortir de l’ornière, pour rajeunir ce vieux motif, ils ont cherché de nouveaux types de balustrades à jour, et, retrouvant sans le savoir la voie qu’avaient suivie leurs frères du moyen âge et de la renaissance, ils ont, par réminiscence instinctive et sans la moindre imitation, pratiqué dans la pierre de régulières découpures de forme élégante et simple, en général ovale ou arrondie, et produisant les plus piquans effets. Nous ne demandions pas qu’au Louvre on prît de telles libertés, nous voulions seulement qu’on se donnât la peine, sans sortir des types consacrés, d’engraisser un peu ces fuseaux, d’en