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dessus de ce petit ordre modeste, portant un fronton arrondi, sans prétention, mais non sans grâce, un second ordre opulent, bien nourri, un ordre en ronde bosse, portant aussi un fronton arrondi tout chargé d’ornemens, d’attributs, de figures. Nous ne croyons pas que personne, en aucun lieu du monde, se fût encore passé la fantaisie de poser ainsi deux frontons l’un sur l’autre et de faire porter des colonnes en saillie sur des pilastres méplats. Après tout cependant, si ces innovations étaient d’un bon effet, nous nous garderions d’en médire et laisserions gloser les critiques chagrins ; mais nous le demandons à tous ceux qui, traversant la place, voudront bien lever la tête avant d’entrer sous le guichet, l’effet de cette surélévation, de cette excroissance de pierres, n’est-il pas malheureux encore plus qu’insolite ? Nous ne savons qu’une chose peut-être encore moins heureuse, c’est la forme du toit qui surmonte cet ordre parasite, et qui lui-même est flanqué de quatre énormes cheminées, dont l’usage au-dessus d’un guichet est tout au moins problématique, et surmonté d’un campanile d’une maigre élégance, à qui le voisinage de ces lourdes cheminées et de toutes les masses qui l’entourent donne l’aspect le plus étrange, le plus grêle, le plus fluet.

Mais nous nous arrêtons à un détail : que ce pavillon ou plutôt que ces deux pavillons, car, une fois l’un des deux façonné de la sorte, la symétrie voulait que l’autre le fût aussi, que ces deux pavillons de Rohan et de Lesdiguières soient plus ou moins défigurés, ce n’est pas une raison pour que le reste du palais ait éprouvé le même sort. Ces pavillons ne jouent qu’un rôle secondaire dans l’ensemble des constructions nouvelles ; par malheur les additions qu’ils ont subies n’étaient pas un fait isolé. On ne les surélevait ainsi, on ne leur imposait cette étrange coiffure que pour se donner moyen d’exhausser les façades voisines, et de proche en proche le palais tout entier. Supposez en effet que le pavillon de Lesdiguières fût resté à sa hauteur première, sa corniche devenait un niveau nécessaire qu’on ne pouvait dépasser ni d’un côté ni de l’autre, pas plus pour les façades nouvelles que pour la grande galerie communiquant aux Tuileries, et dès lors il fallait bien se contenter d’un seul et noble étage, ainsi que l’avait fait Visconti ; autrement les pierres du second étage seraient venues butter contre l’ardoise, contre le toit du pavillon. Voilà pourquoi, une fois admis le projet d’une surélévation générale, il fallait, n’importe à quel prix, surélever le pavillon. Eh bien ! cet étage de plus, cette surélévation générale, cette infraction capitale au plan de Visconti, voilà le vice incorrigible de tout l’ensemble de ces constructions. De là cette lourdeur d’aspect, cette hauteur écrasante ; de là l’inévitable tentation de déguiser ces formidables masses sous un flot de sculptures