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créer les bassins du Lazaret, d’Arenc, ceux de radoub et de carénage, et la société immobilière fonder toute une ville qui s’achève en ce moment.

Voilà sans doute de grands efforts et des dépenses excessives; sont-elles proportionnées à l’importance des résultats obtenus? Quand on se demande à quelles sources on pourrait puiser encore, s’il était nécessaire, pour achever l’œuvre commencée, quand on admire la rapidité d’exécution des travaux, cette rapidité même qui tient du prodige ne soulève-t-elle pas une question redoutable? Etait-elle nécessaire? A-t-elle été avantageuse? Fallait-il procéder aussi vite à la transformation de Marseille, alors que sur tant de points, à Paris, à Lyon, dont nous avons décrit les travaux immenses[1], une œuvre semblable était poursuivie, et que la situation financière, économique et sociale même du pays tout entier pouvait en être si gravement éprouvée?

Pour apprécier justement le système d’exécution si prompte des travaux de Marseille, il faut se rendre un compte exact des besoins qu’ils ont satisfaits, de même que, pour leur assigner un rang d’opportunité plus ou moins grande avec les entreprises dont Paris et Lyon ont été le théâtre, on doit comparer les systèmes et les nécessités de Paris et de Lyon. Nous mettrons avant tout Lyon hors de pair. Pour imprimer à cette ville, grand atelier où l’art touche de si près à l’industrie, un caractère satisfaisant, la difficulté était-elle moindre? Les projets furent-ils plus judicieux et plus modestes, le plan primitif tracé avec plus de sûreté? Toujours est-il que nous tenons l’œuvre pour complète et parfaite. Dans l’exécution, nous l’avons déjà dit ici même, on se montra soucieux du respect des traditions, respectueux pour les droits acquis, généreux pour les intérêts populaires. Comme cité industrielle et commerciale, par la facilité des communications, l’aspect large et régulier, la salubrité du site, Lyon est un modèle. En même temps la ville a conservé la trace de son antique origine, réparé et embelli les vestiges du passé. Elle a un grand air, une physionomie sévère, et nulle part le travail industriel ne s’y exerce dans de meilleures conditions physiques et intellectuelles à la fois. A Paris, les prétentions ont été plus vastes, les résultats laissent plus de doutes. En s’arrêtant à la partie matérielle de la gestion administrative, on peut distinguer deux points de vue, presque deux périodes. Tant que le pouvoir a voulu seulement assainir Paris, l’améliorer sous le rapport des communications, de la viabilité, de la sécurité, l’embellir même dans une certaine mesure, et tel était l’objet des lois de 1850, 1855, 1857 et 1858, il n’y a qu’à louer dans les efforts

  1. Voyez la Revue des 15 octobre 1863 et 15 mai 1865.