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LE NOUVEAU LOUVRE.

sion, tant il s’y conformait avec ardeur. Aussi lorsqu’on l’eut chargé de l’achèvement du Louvre, cette grande entreprise qui comblait sa juste ambition et couronnait sa vie, ce ne fut pas sans quelque trouble qu’il vit ses confidens les plus habituels, ceux dont il écoutait de préférence les avis, repousser la donnée principale du projet qu’il avait adopté, c’est-à-dire l’amoindrissement, le rétrécissement de l’espace compris entre les deux palais. L’origine de cette combinaison n’avait, il faut le dire, rien d’architectural ; c’était tout simplement une facilité de plus que le pouvoir nouveau voulait se ménager en concentrant sous sa main, en abritant du même toit que son propre palais, une foule de services jusque-là dispersés, et par exemple des casernes tout entières, de vastes écuries, un manège, une imprimerie, deux ou trois ministères, sans compter les musées, les galeries, les collections nées et à naître, ces hôtes ordinaires du Louvre depuis le consulat, qu’on n’en pouvait exclure et qui même réclamaient une meilleure hospitalité. Pour tout cela, il fallait envahir et convertir en surface bâtie une partie considérable de l’espace que les démolitions mettaient à découvert. Or Visconti, sans grand effort de conscience, avait pu se plier à ces conditions qui au fond ne lui déplaisaient pas. Il était de ceux qui supposaient, avant que le déblaiement des abords du Carrousel eût prouvé le contraire, que cet espace était trop vaste et trop irrégulier pour, qu’il en pût sortir sans de profonds changemens une place monumentale ; que les deux palais ainsi mis en regard deviendraient discordans, et, diminués par la distance, ne conserveraient pas leur véritable échelle. Il avait donc admis sans peine le programme qui lui était tracé, ou plutôt il l’avait fait sien ; mais quand il vit les partisans les plus respectueux de l’œuvre de Pierre Lescot tenir son projet pour suspect et redouter pour le vieux Louvre le voisinage écrasant de ces massives additions, il prit ses précautions et redoubla d’efforts pour atténuer le plus possible les dangers qu’on lui signalait, pour ne donner, en d’autres termes, aux constructions nouvelles qu’une hauteur moyenne, un éclat modéré, et pour en déguiser la trop grande importance par la sobriété de l’ornementation. Tel était son ferme dessein, et il en a laissé une preuve authentique qu’il est permis d’invoquer aujourd’hui. Une vue cavalière dessinée sous sa direction, gravée et publiée peu de temps avant sa mort, représente le nouveau Louvre tel qu’il se proposait de le construire. Nous ne prétendons pas qu’en cours d’exécution il n’eût, sur certains points, modifié plus ou moins ce premier jet de sa pensée : la planche dont nous parlons est d’ailleurs si petite que beaucoup de détails n’y sont pas indiqués ; mais ce qu’elle exprime, clairement, sans équivoque, ce sont quelques