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de Marseille, « il ne suffisait pas au gouvernement et aux chambres, grâce aux ressources d’une situation calme et tranquille, de poursuivre avec confiance, de faire marcher de front l’œuvre combinée des voies de terre, d’eau et de fer. Cette œuvre, toute grande qu’elle fût, serait restée incomplète, si les points du littoral auquel aboutissaient ces voies de communication n’avaient reçu en même temps les améliorations que réclament le commerce et les nécessités de la grandeur de la France. » De là tout un ensemble de travaux à exécuter dans nos ports de commerce et de guerre, les phares à allumer, les côtes à défendre, la prospérité et la gloire extérieure du pays à préparer.

Heureux les gouvernemens et les administrateurs venus aux époques où le mouvement des esprits et la grandeur des intérêts à satisfaire suscitent de telles inspirations ! Mais, à vrai dire, dans la lutte de l’homme avec la nature chaque heure n’amène-t-elle pas des nécessités nouvelles, et ne provoque-t-elle pas d’aussi puissans efforts? Après les œuvres de nos devanciers ne reste-t-il pas aujourd’hui à poursuivre les grandes opérations d’assainissement, de reboisement, d’irrigation, de mise en valeur rapide du sol? Le moment n’est-il point venu de procéder à la rénovation en quelque sorte du territoire, comme nous le voyons faire avec succès pour quelques-unes de nos grandes villes? N’est-ce point là une tâche digne d’exciter le zèle de l’administration actuelle? Moins aidée peut-être par les événemens et moins secondée par l’opinion, elle n’a pas, nous regrettons de le dire, procédé par les larges conceptions qui ont illustré sa devancière. Plus libre que celle-ci dans son action et plus indépendante du contrôle, il lui a peut-être manqué précisément d’être éclairée et stimulée par la discussion. Dans tous les cas, on peut dire que, dotée de plus de ressources, elle n’a pas cependant rencontré ces hautes inspirations qui donneraient tant de lustre à l’histoire des travaux publics de 1830 à 1848, si ces entreprises trouvaient un historien compétent.

La loi de 1844 consacrait donc une somme de 20 millions à l’établissement d’un nouveau port à Marseille, celui de la Joliette, à l’établissement d’une route de ceinture pour joindre les deux ports avec la ville, et à la construction de deux môles au port du Frioul pour établir le lazaret dans les deux îles de Pomègue et de Ratonneau, situées au milieu de la rade. Une partie de cet important crédit était réservée à l’ouverture d’un canal de communication entre le port de Bouc et l’étang de Berre, rade intérieure de 15,000 hectares d’étendue, d’une profondeur variable de 3 à 10 mètres, qui, reliée à la mer par un canal accessible aux gros navires, pourrait jouer au point de vue militaire un rôle important dans la