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gique, qui roule sur les idées entendues au sens de Platon, à savoir, les essences des choses; 2° la philosophie de la nature; 3° la philosophie de l’esprit. Voilà la première et fondamentale trinité. Puis, dans la première partie de cette triade, la logique, il y a trois parties encore, ensuite dans chacune de ces trois nouvelles parties trois autres subdivisions, et toujours ainsi jusqu’à la fin. En vérité, si toutes ces divisions et subdivisions ternaires sont vraies, l’auteur des choses a été bien complaisant pour la philosophie : il a merveilleusement servi le besoin qu’elle a d’un arrangement régulier et de classifications commodes.

Abordons la première partie du système, la logique. Cette première partie se compose de trois termes : 1° l’être en soi, das Seyn ; 2° l’être déterminé, l’existence proprement dite, das Daseyn ; 3° l’être qui est pour lui même, das Fürsichseyn.

Examinons de près l’ordre de ces trois termes. On peut demander si l’ordre dans lequel ils sont ici présentés exprime celui dans lequel nous les acquérons, ou l’ordre même de la nature tel qu’il est en dehors de nous. Si c’est l’ordre d’acquisition de nos connaissances, que de raisons de douter que l’esprit humain procède ainsi! L’idée générale de l’être en soi, de l’être pur et indéterminé, sans aucune qualité, das in sich Seyn, ne nous est pas donnée la première; elle ne vient qu’après l’idée particulière de tel ou tel être déterminé, quel qu’il soit. Il répugne que l’esprit débute par une négation à la fois et par une abstraction. Un tel ordre est à nos yeux le renversement de l’ordre vrai. Et si on répond, comme on le fait, qu’il s’agit de l’ordre réel des êtres, il est encore bien plus douteux que tel soit le développement naturel de ces trois termes. Il y a ici, ce semble, une irréparable solution de continuité entre le premier terme et le second. L’être en soi, l’être pur et indéterminé, ne peut produire l’être déterminé, à moins qu’on ne mette déjà dans l’être en soi et indéterminé une secrète et invisible puissance de détermination. Or on ne l’y peut supposer sans détruire l’hypothèse même dont on part, celle d’un être indéterminé sans qualité ni quantité, par conséquent sans causalité aucune, la catégorie de la causalité venant bien plus tard dans les classifications de M. Hegel, c’est-à-dire à la fin de la seconde partie de la logique.

Il faut à l’origine des choses une puissance déterminée et déterminatrice, pour expliquer plus tard un déterminé quelconque, et par exemple ce qu’il y a de plus déterminé qui est moi-même. Cette puissance déterminatrice, efficace par elle-même, à laquelle appartient l’initiative de l’action, M. Hegel ne la rencontre que dans le développement lointain de l’être, tandis que sans elle, sans