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Le parti ultra-protestant, le parti Groen, comme on l’appelait du nom de son chef, M. Groen van Prinsterer, réclamait des écoles confessionnelles. En repoussant cette prétention, le ministre de l’intérieur, M. van der Brugghen, montra clairement comment les divergences d’opinions provenaient d’une manière différente de concevoir le culte. Pour quelques-uns, disait-il, le christianisme signifie le dogme chrétien; les articles de foi, la conception littérale de la vérité révélée, voilà l’intérêt suprême. Le dogme sans doute a une grande importance, mais il ne doit pas absorber complètement la notion du christianisme. Pour tout le parti ultra-protestant, la religion est trop uniquement concentrée dans le dogme. Au contraire, suivant l’école libérale, à laquelle appartiennent tant d’hommes de foi et de savoir, le christianisme n’est pas tant affaire d’intelligence et de vérité abstraite qu’objet de sentiment et de conscience. D’après cette école, il existe dans toute nation chrétienne, malgré de grandes différences spéculatives d’opinions et de dogmes, un fonds commun de croyances religieuses et de sentimens moraux. C’est ce fonds commun de religion et de morale qui peut, qui doit être enseigné dans l’école mixte par l’instituteur laïque.

La loi fut adoptée grâce à l’accord des protestans libéraux et des catholiques modérés. Les dispositions qui concernent l’enseignement de la religion méritent d’être citées parce qu’elles peuvent être utilement étudiées par les pays qui voudront, comme la Hollande, appliquer logiquement la séparation de l’église et de l’état jusque dans le domaine de l’instruction primaire. Ces dispositions, les voici : « Dans chaque commune, l’enseignement primaire est donné dans des écoles publiques en nombre suffisant pour les besoins de la population; les enfans de toutes les communions y sont admis sans distinction. L’instruction doit servir à développer les vertus sociales et chrétiennes. Les instituteurs s’abstiennent d’enseigner, de faire ou de permettre quoi que ce soit qui pourrait blesser les croyances religieuses des communions auxquelles appartiennent les enfans qui fréquentent l’école. L’enseignement de la religion est abandonné aux diverses confessions. A cet effet, les locaux de l’école seront à la disposition des élèves en dehors des heures de classe. »

C’est dans les pays catholiques que l’application d’une loi semblable doit rencontrer le plus de difficultés, parce que le prêtre y est habitué à considérer tout ce qui touche à la morale et à la religion comme son domaine exclusif, et à surveiller l’école primaire comme une institution soumise de droit à l’inspection ecclésiastique. Pour ce motif, j’ai voulu visiter les écoles des provinces catholiques des Pays-Bas, surtout celles du Limbourg, où le clergé exerce une grande influence, même en politique. J’ai trouvé la loi