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ans après, en surveillait encore l’application. « Oui, disait le vénérable vieillard, les écoles primaires doivent être en général chrétiennes, mais ni protestantes, ni catholiques. Elles ne doivent appartenir à aucun culte en particulier et n’enseigner aucun dogme positif. Il ne faut pas tendre à la division des écoles et avoir des écoles spéciales catholiques et des écoles spéciales protestantes. L’école populaire doit être pour le peuple tout entier. » En visitant les grandes écoles d’Amsterdam, de Rotterdam, de La Haye, M. Cousin vit, assis sur les mêmes bancs, des juifs, des catholiques, des protestans de toutes les dénominations, recevant en commun une instruction pénétrée de l’esprit chrétien, mais non de l’esprit de secte. Le dogme était strictement exclu de l’enseignement public. Il constata qu’aucune animosité religieuse ne divisait ces enfans, et que cet enseignement purement laïque formait des hommes religieux et moraux.

La loi de 1806 demeura en vigueur jusqu’en 1857. Vers cette époque, il fallut se décider à la remanier pour la mettre en rapport avec la constitution de 1848, qui proclamait la liberté d’enseignement. Le principe de l’école laïque eut à soutenir alors un rude assaut. Depuis que les catholiques avaient obtenu l’égalité complète des droits, ils avaient employé leur influence à faire bannir de l’école plus complètement encore qu’auparavant toute instruction religieuse, et ils étaient arrivés à y faire proscrire l’emploi de la Bible, même comme simple livre de lecture et d’édification. Or plus les catholiques réussissaient à imposer l’observation rigoureuse des prescriptions de 1806, plus le mécontentement des ultra-protestans devenait vif. Ne pouvant contester le droit des catholiques de réclamer un enseignement purement laïque dans l’école mixte, ils en étaient venus à attaquer le principe même de l’école mixte. Ils appelaient celle-ci « une école athée, » — « un foyer d’irréligion et d’immoralité. » Ils la dépeignaient comme devant amener l’anéantissement des vertus nationales, la ruine de la patrie. Ils ameutaient contre le système si sage de 1806 les rancunes et les craintes des protestans, effrayés des prétendus progrès de l’église romaine. Ils voulaient à tout prix introduire des écoles confessionnelles, chaque culte ayant ses écoles spéciales.

Les débats des chambres hollandaises sur la révision de la loi organique de l’instruction primaire en 1857 jettent tant de lumière sur la question qui nous occupe, que nous croyons devoir y insister. On retrouve dans cette discussion ce bon sens pratique, cet instinct de la liberté uni au respect du droit qui ont fait autrefois la gloire du peuple hollandais, et qui actuellement encore le rendent si digne de l’attention et de la sympathie de l’étranger. Dans tous