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sent envoyer leurs enfans, et toutes les écoles existantes laissaient beaucoup à désirer. Elles durent leur amélioration à un mouvement d’opinion dont une société particulière donna le signal. En 1784, un pasteur mennonite, Jan Niewenhuysen, fonda avec quelques amis une association, — la Maatchappy tot mit van t’algemeen, — qui avait pour but de favoriser la diffusion des lumières parmi les classes inférieures. Les moyens pratiques qu’elle adopta étaient parfaitement conçus. Elle publia des livres élémentaires bien faits et à très bon marché; elle fonda des bibliothèques populaires, établit quelques écoles modèles, et enfin ouvrit une enquête sur les meilleures méthodes d’enseignement élémentaire. Elle compta bientôt 7 ou 8,000 membres payant une minime cotisation, mais dévoués à l’œuvre d’émancipation intellectuelle. En 1797, Amsterdam adopta les plans de réforme de la société. En 1801, le célèbre orientaliste Van der Palm, chargé du département de l’instruction publique de la république batave, rédigea un projet de loi qui, remanié par M. van den Ende, « le père de l’instruction primaire en Hollande, » devint en 1806 la base de l’organisation nouvelle. La loi de 1806 est très brève, mais elle contient deux dispositions capitales qui furent la cause du merveilleux succès qu’elle obtint. Elle établit un système complet d’inspection pour les écoles et un examen sérieux pour les candidats instituteurs. Ensuite un règlement organique émanant du grand-pensionnaire Schimmelpenninck introduisit le principe entièrement nouveau de l’école laïque. Il est nécessaire de citer les termes mêmes des articles qui contiennent cette importante innovation. Les voici : « L’enseignement devra être organisé de façon que l’étude des connaissances utiles soit accompagnée du développement des facultés intellectuelles, et que les élèves soient préparés à l’exercice de toutes les vertus chrétiennes. — Il sera pris des mesures pour que les écoliers ne soient point privés d’instruction dans la partie dogmatique de la confession religieuse à laquelle ils appartiennent; mais cette partie de l’enseignement ne sera pas à la charge de l’instituteur. »

Par cette mesure, le principe de la séparation de l’église et de l’état était porté jusque dans le domaine toujours réservé de l’instruction primaire : à l’instituteur la morale, au prêtre le dogme. En 1806, les ministres des différens cultes, à peine remis des redoutables secousses de la révolution, étaient animés de sentimens de tolérance. Tous répondirent dans les termes les plus favorables à la circulaire qui demandait leur concours pour l’application de la loi nouvelle. Les mennonites, les luthériens, les juifs, les calvinistes et jusqu’aux catholiques accueillirent le système nouveau sans objection, sans restriction, « avec allégresse » même, pour employer