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diversité des sectes qui a conduit à adopter l’école laïque, et jusqu’à ce jour on n’a eu qu’à se féliciter du résultat. Grâce à cette réforme, les pouvoirs publics ont pu organiser partout une instruction commune à tous, qui, en répandant les lumières, a favorisé les progrès d’une religion tolérante et d’une saine morale. Dans les pays catholiques, on veut également, avons-nous dit, la sécularisation de l’école. Elle est réclamée pour deux motifs : d’abord comme une conséquence nécessaire de la séparation de l’église et de l’état, ensuite afin de soustraire l’enseignement du peuple à l’influence d’un clergé qu’on prétend hostile aux principes de la civilisation moderne. Examinons ces deux points.

L’état moderne tend à s’affranchir de la suprématie du clergé en vertu d’une loi dont on peut constater l’action à toutes les époques de l’histoire, et qui veut que la pensée soit le vrai souverain de ce monde. En fin de compte, la puissance demeure au plus intelligent. Ceux qui possèdent les forces de la raison et les lumières de la science arrivent toujours, dans la paix comme dans la guerre, à l’emporter sur les autres hommes, parce qu’ils connaissent mieux qu’eux les ressorts qui meuvent les affaires humaines. Ils prévoient de plus loin et raisonnent plus juste; ils peuvent donc tirer meilleur parti des événemens. Là où les autres ne voient que le hasard, ils démêlent l’enchaînement des causes aux effets, et ils agissent en conséquence. Ce que l’on appelle le droit du plus fort n’est que le droit du plus clairvoyant, car la force suprême, celle qui dirige toutes les autres, est la raison. C’est ce qu’a bien compris Voltaire en faisant invoquer par Mahomet

Le droit qu’un esprit fort et ferme en ses desseins
A sur l’esprit grossier des vulgaires humains.

Dans l’antiquité, tant que la caste sacerdotale conserve seule les lumières, elle garde le pouvoir. Les prêtres, à la fois poètes, orateurs, légistes, médecins, astronomes, possesseurs héréditaires des secrets de la science, sont vraiment, en un certain sens, les organes de la Divinité ; ils commandent l’obéissance à la foule ignorante, et ils l’obtiennent : nul ne songe à secouer le joug sacerdotal. Le peuple est un troupeau docile que ces bergers dirigent, apprivoisent et tondent. L’état alors est théocratique. Il ne peut être autre, et il est bon qu’il le soit. Telles furent l’Inde, l’Egypte, l’Etrurie. En Grèce et à Rome au contraire, pendant la belle époque, le sacerdoce n’a en propre que quelques mystères antiques et quelques superstitions discréditées dont rient les augures eux-mêmes. Les lumières sont répandues dans la nation, les philosophes sont les vrais savans, tous les hommes libres participent à leurs découvertes et à leurs connaissances. Alors l’état devient laïque; le culte