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biner leurs ressources de résistance. En d’autres temps, un Richelieu, un Mazarin, un Louis XIV, un Napoléon, eussent pu tirer un grand parti de semblables élémens pour s’opposer efficacement à une puissance qui eût aspiré à l’hégémonie germanique. A l’heure qu’il est, ce qui reste de ces moyens de résistance est déjà affaibli moralement et matériellement par une série d’insuccès et de défaites. Les partisans de la vieille Allemagne, privés d’encouragemens et de concours extérieurs, n’ont pas su coordonner leurs ressources et concerter leur action commune. L’Autriche paraissait devoir prendre la direction de toutes ces forces partielles : la tâche lui a été rendue impossible par les lenteurs de ses alliés, ou elle a été supérieure au talent de ses hommes politiques et de ses généraux.

Il ne saurait entrer dans notre pensée d’apprécier les fautes de stratégie et de tactique commises dans cette guerre par les généraux autrichiens. Il est possible que même après avoir laissé envahir la Saxe, même après avoir laissé déboucher en Bohême les deux armées prussiennes, même après avoir laissé ces armées opérer leur jonction, le général Benedek eût pu être vainqueur à Sadowa, si dans un moment critique de la journée, avant l’arrivée du prince royal, il eût lancé sur les troupes hésitantes, ébranlées, du prince Frédéric-Charles, la magnifique réserve de cavalerie qu’il n’a point occupée dans la bataille. Ce qui nous frappe, c’est que les causes des revers de l’Autriche ont été des fautes politiques plus encore que des fautes militaires. Ce sont toujours les fatalités de l’esprit d’ancien régime qui perdent l’Autriche ; c’est cet esprit qui avait influé même sur la distribution maladroite des commandemens. Un correspondant du Times a décrit avec une vivacité pittoresque la physionomie de l’armée autrichienne avant les grands combats. A la peinture du quartier-général, au tableau du général Benedek entouré de son tumultueux état-major, on croit voir cette frivolité brillante, mêlée d’étourderie généreuse et de fantasque maladresse qui emporte et perd les armées d’ancien régime commandées par des gentilshommes. La cour de Vienne a d’ailleurs commis la faute politique de compter sur les contingens fédéraux, et, ceux-ci, comme on devait s’y attendre, faisant défaut, d’opposer à l’ennemi des forces inférieures. Du jour où elle prit le parti d’avoir la guerre à la fois avec l’Italie et la Prusse, l’Autriche eût dû ne compter que pour mémoire les contingens fédéraux et faire face partout à la Prusse avec ses propres armées ; il était évident en effet que les premiers coups portés seraient décisifs, et que ce n’était que par la victoire que l’on pouvait gagner et utiliser le concours des confédérés. Il importait aussi, comme l’exemple de la cour de Prusse l’a fait voir, de ne point séparer l’action de la politique de celle de la guerre ; il eût fallu que la chancellerie du cabinet autrichien accompagnât le quartier-général de la grande armée. En somme, ce qui a manqué, ce qui manque à la cause des résistances anti-prussiennes, c’est l’unité, la cohésion, la suite, l’énergie concentrée et soutenue, la solidité en un mot, l’application raisonnée et