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ginaux, obtenus de M. de Raigecourt dès 1856 : on vous répondrait de haut, comme pour mon cher et monsieur, coquilles! pures coquilles! — « Discutez donc maintenant! »

Passons aux lettres du temps de la révolution, dont j’ai contesté quelques-unes concernant Mirabeau. Nous sommes ici sur un autre terrain, où la démonstration de l’apocryphe est beaucoup moins facile. Dans cette nouvelle période en effet, les fabricateurs rencontraient des lettres connues et authentiques de Marie-Antoinette en nombre suffisant pour leur fournir des points de repère et les préserver des plus choquantes contradictions; de plus l’écriture de la reine pendant cette seconde moitié de sa vie leur était familière; il serait dès lors plus malaisé de reconnaître les faux autographes : cela devient affaire d’archiviste et d’expert. — J’ai déclaré que certaines lettres sur Mirabeau ne m’inspiraient aucune confiance; je n’ai toutefois pas contesté, comme le suppose gratuitement M. Feuillet, je n’ai pas déchiré de ma « dent superbe » celle du 22 avril 1790 au baron de Flachslanden. C’est jouer de malheur que de se tromper de la sorte, car cette lettre est une de celles sur la provenance desquelles je suis le mieux édifié; je l’ai tenue pour authentique. Je n’en puis dire autant d’une série que donnent les deux recueils français[1]. La première de ces lettres, adressée à Joseph II, est maladroitement signée Marie-Antoinette et se termine par la formule non authentique du baisement de mains : cette formule se retrouve dans la lettre du 7 juillet à Léopold; mais d’autres motifs plus généraux interviennent et font condamner la série dans son ensemble. On a, dans le second volume de M. d’Arneth, pour cette période de quelques mois, une correspondance de Marie-Antoinette avec son frère qui paraît sans lacune, sauf une réponse perdue de Léopold, et où ne paraît pas une fois le nom de Mirabeau : il y est exclusivement question d’affaires de famille ou bien de politique extérieure. Pourquoi la reine aurait-elle fait au sujet du seul Mirabeau une exception à ce qui semble avoir été une règle ? Croit-on que, pour la cour, Mirabeau apparaissait avec le prestige que sa mémoire a maintenant pour nous? <(Quoique ces gens-là ne soient pas estimables, écrivait Louis XVI, et que j’aie payé le premier très chèrement, cependant je crois qu’ils peuvent me rendre service. » Vous l’entendez : Mirabeau n’est que le premier parmi « ces gens-là; » on reçoit les mémoires de Bergasse en même temps que les siens; Mirabeau ne se distingue de « ces gens -là, » aux yeux de la cour, que par son immoralité et son besoin d’argent. Si d’ailleurs Marie-Antoinette a parlé si instamment de Mirabeau à Léopold, par quel

  1. Deux leur sont communes, celles du 7 juillet et du 22 octobre 1790; le volume de M. d’Hunolstein donne seul une lettre de Joseph II du 26 février, un billet de juin et deux lettres des 27 octobre et 14 novembre de la même année.