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t-on deux lettres ou billets de la reine à sa sœur, une notamment du 29 mai 1790. Sur quoi appuie-t-on une assertion aussi exclusive? Sur l’historien spécial de Marie-Christine, M. Adam Wolf, qui dans les archives de cette princesse, n’a trouvé, en bien cherchant, que «es deux lettres. En effet M. Wolf, attaché à la maison de l’illustre archiduc Albert d’Autriche, post-héritier du cartulaire du duc Albert de Saxe-Teschen, a écrit sur la sœur de notre reine un livre de lecture très agréable, et qui atteste les recherches les plus consciencieuses. Il n’a donné, en fait de correspondance, que ce qu’il a trouvé, que ce que j’ai trouvé moi-même après lui dans les archives. S’ensuit-il absolument et sans réplique qu’il n’y ait eu aucun lien épistolaire entre les deux sœurs, et que pour n’avoir mis la main dans les papiers de Saxe-Teschen que sur une ou deux lettres de Marie-Antoinette, on n’eût pas dû en rencontrer d’autres dans ces archives?

Marie-Antoinette, si gracieuse et si douce, mélange de tout ce qui intéresse et qui charme, s’épanouissait avec ouverture d’esprit et de cœur au milieu de la grande famille de l’impératrice-reine. Déjà elle annonçait ce qu’elle serait un jour, ce qui devait lui valoir quand elle fut dauphine des témoignages si flatteurs de Marie-Thérèse au milieu de ses plus amères gronderies. Telle était la vraie Marie-Antoinette sortant des mains de la nature, la vraie Marie-Antoinette exerçant dès alors les séductions de son aimable caractère sur tout ce qui l’entourait.

Marie-Christine, née en 1742, avait treize ans de plus que Marie-Antoinette, née en 1755, et quand la duchesse quitta Vienne en 1766 après son mariage avec le duc de Saxe-Teschen, Marie-Antoinette avait onze ans. Cette différence d’âge, on en peut juger dans les grandes familles, est bien loin d’exclure les liens étroits entre les enfans. Marie-Christine, dont l’esprit très intelligent avait beaucoup de culture, qui aimait par-dessus tout à parler français et qui dans sa jeunesse ne voulait pas qu’on lui parlât en une autre langue[1], servait à sa plus jeune sœur comme de seconde mère, alors que Marie-Thérèse était absorbée par les soins du trône. Elle lui apprenait ses petites leçons, lui faisait réciter des vers, et si elle ne fût pas partie pour la Hongrie, Marie-Antoinette, restée en Autriche, eût fait d’autres pas qu’elle n’en fit dans son éducation. Cependant la duchesse reparaissait souvent à Vienne, à Schœnbrunn, à Laxenbourg, et se complaisait à parachever de temps à autre son œuvre.

  1. Der Wiener Hof in den Jahren 1746, 1747 und 1748. Lettre du comte de Podewils, ministre du grand Frédéric à Vienne, à ce prince, publiée par le Dr Adam Wolf.