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même, comme on l’a vu, Madame Antoine; mais quand en France elle eut signé de tous ses prénoms son acte de mariage et que le roi Louis XV eut fixé l’appellation sous laquelle elle serait désignée, l’habitude de famille se relâcha sous sa plume. Le premier billet qu’elle écrivit de Versailles à sa mère, immédiatement après la célébration de son mariage, pour lui annoncer qu’elle est dauphine de France, billet que j’ai relevé sur une copie aux archives de Vienne, portait les deux noms pour signature. Toutes ou presque toutes celles qui figurent au recueil viennois sont Antoinette tout court. Cependant M. d’Arneth a donné le fac-simile d’une lettre au prince de Kaunitz qui est signée de deux noms. Sur les vingt signatures des registres de l’état civil de Versailles, pas une, comme on l’a vu, n’est uniquement Antoinette, et la seule lettre signée entre les vingt-sept écrites par la reine de France à son ancienne compagne d’enfance, la langravine Louise de Hesse-Darmstadt, est signée Marie-Antoinette. La critique tombe d’elle-même; il est maintenant avéré que, pendant un certain temps, la princesse signa tantôt d’une façon, tantôt d’une autre, et que le caractère même de ses signatures fut très varié, même dans ce qu’elle écrivit un même jour, à une même heure.

Autre objection : le nom de Christine donné seul à l’archiduchesse Marie-Christine, duchesse de Saxe-Teschen, dans les lettres par moi imprimées de Marie-Antoinette à cette princesse. Elle eût dû, objecte-t-on, ne l’appeler que Marie, puisque dans l’intimité de famille elle était la Marie par excellence. Guerre d’épingles! Et d’abord, dans ces lettres elle est appelée tantôt ma chère sœur, tantôt Marie, tantôt, et le plus souvent il est vrai, Christine tout court; mais il ne faut pas oublier que gouvernante de Hongrie, puis des Pays-Bas, elle avait pris ses deux noms, que les actes publics les lui donnaient tous deux, que des lettres d’elle à son mari, aujourd’hui dans les archives de Mgr l’archiduc Albert, sont signées des deux noms, qu’en un livre publié par M. Adam Wolf lui-même, qui depuis s’est fait si disertement son historien, elle est appelée uniquement Christine, jamais Marie, aux mémoires du comte de Khevenhüller, grand-chambellan de leurs majestés impériales, lesquels mémoires constituent le fond du livre. Ce nom de l’archiduchesse Christine, toujours Christine, y revient vingt fois. Or il est peu présumable que le grand chambellan d’Autriche se trompât sur l’appellation affectée à l’aînée des filles de sa souveraine. Passons. Aussi bien y a-t-il mieux que tout cela. Pour le faire court, on allègue qu’à raison de leur différence d’âge, les deux sœurs se sont à peine connues et qu’il n’a pu dès lors exister entre elles aucune correspondance familière et surtout active. Tout au plus avoue--