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que), le surlendemain du jour où elle était écrite de Vienne? Il me répliquerait que sa seconde édition, adoptant la date vraisemblable du 5, m’a ôté tout droit de censure, et je serais de son avis.

Cette lettre n’est point la seule qui, dans le même recueil de M. d’Arneth, démontre la difficulté de manier les problèmes de dates et d’éviter les faux pas dans le champ des conjectures. Il donne une lettre (page 87), cotée 29 juillet 1791, que M. Geffroy rapporte d’après lui à l’époque des relations de Barnave et des Lameth avec la reine, et qui, on va le voir, ne peut regarder que le comte de Mirabeau, un an auparavant. M. d’Arneth fait précéder la lettre de cette note : « remise par l’abbé Louis au comte de Mercy. » Si elle eût été apportée par cet abbé, il la faudrait dater en effet de 91, puisque c’est l’époque où l’abbé Louis s’entremit dans les affaires de la reine auprès de Léopold et de Mercy; mais la lettre, dont j’ai là sous les yeux la copie primitive relevée par moi aux archives de cour et d’état, ne porte ni la date ni la note que par mégarde M. d’Arneth a inscrites. C’est la lettre que j’ai imprimée, p. 342 de mon premier volume, sous la date du 3 juillet [1790]. (Il faut lire le 30 : le zéro a sauté à l’impression.) Elle ne portait point de millésime, mais seulement le n° 12 et une date ainsi formulée : « ce 30 juillet[1]. » Le millésime était donc livré aux conjectures. Pouvait-on adopter l’année 1791? Assurément non. La reine dit : « La position où je me trouve me fait désirer votre présence (M. d’Arneth écrit personne) à Paris. » Plus loin, elle dit encore : « J’ai besoin de vos conseils, de votre attachement pour moi, de votre présence ici, » Or Mercy avait quitté la France depuis le 3 octobre 1790 et se serait gardé d’y reparaître, assuré qu’on lui eût fait un mauvais parti. Dès le mois d’août 89, il était menacé d’assaut et d’incendie à sa maison de campagne de Chennevières. La reine parle des dispositions favorables de l’assemblée à son égard; mais Barnave et les Lameth étaient loin, ni alors, ni avant, ni depuis, de personnifier l’assemblée. N’oublions pas qu’en juillet 91 on était presque au lendemain du fatal retour de Varennes, que le 17 un attroupement avait demandé au Champ-de-Mars la déchéance du roi, et que peu de jours après l’alliance entre l’Allemagne et la Prusse avait passionné la constituante. En juillet 90 au contraire, le comte de Mercy était encore en France, retiré le plus souvent à Chennevières. Rien de plus simple que de l’appeler aux Tuileries, comme le faisait fréquemment la reine à cette époque, tout observé qu’il fût et taxé de présider le comité autrichien. Elle l’avait déjà mandé quatre jours auparavant pour lui faire préparer un courrier. Les esprits

  1. 30 juillet sans plus. Or avec un 3 et un 0 l’on ne saurait faire 29 juillet 1791.