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chives publiques, de cartulaires privés, de collections connues, le ragoût de pièces fausses. A quoi bon? Que si encore ces lettres tendaient à introduire violemment dans la biographie des faits importans, extraordinaires, propres à changer des physionomies consacrées, à exalter ou à diminuer perfidement tels ou tels caractères historiques, je comprendrais jusqu’à un certain point la virulence de l’attaque et l’acharnement froid qui la fait poursuivre. Mais non, ces lettres ont pour elles la vérité morale; elles peignent la reine Marie-Antoinette comme les traditions nous l’ont faite. La preuve qu’elles ne contiennent pas uniquement, comme on l’a prétendu, un vain et prétentieux bavardage, et qu’elles offrent un caractère historique, c’est que personne en France, ni en Angleterre, ni même en Allemagne, avant la publication de M. d’Arneth, avant la critique de M. de Sybel, ne les a attaquées. Si elles eussent été controuvées, est-ce qu’elles eussent gagné par surprise les critiques français et anglais, si merveilleusement avisés, qui connaissent si bien, dans ses moindres détails, le siècle de Louis XVI, percé à jour par tant de mémoires et d’écrits multipliés? Tout homme est faillible, il est vrai, et le plus habile peut être trompé. « Les curieux sont aussi des amoureux, comme me l’écrivait un éminent critique, et les amoureux peuvent avoir leurs illusions; » mais, pour ne pas être des « amoureux, » les adversaires sont-ils donc infaillibles? « Les lettres en question, ajoutait le maître, ont pu paraître un peu suspectes, par cela même qu’elles étaient trop ce qu’on pouvait désirer. » Or, sur ce point même, tous ceux qui se sont prononcés sont en désaccord. L’un dit qu’elles n’ont répondu à aucune de ses attentes; un autre, qu’elles n’ont nul esprit; un autre, qu’elles en ont trop, et qu’elles aspirent à figurer dans un choix de chefs-d’œuvre épistolaires. D’autres encore n’y voient qu’un esprit de caillette et de femme de chambre! Choisissez entre tous ces jugemens aussi étranges que disparates et contradictoires. Nous reviendrons sur ces appréciations et nous rétablirons le véritable caractère de la correspondance. Jusqu’ici, je défends ce que je crois, et je crois parce que j’ai comparé.

Le recueil publié à Vienne par M. d’Arneth, je l’ai prouvé ailleurs, contient de flagrantes contradictions, sans être pour cela moins incontesté. Quelle est donc la correspondance qui ne soit criblée de contradictions? Les variations et impulsions en quelque sorte nerveuses de la plume sont l’essence même du genre épistolaire, composé, pour ainsi parler, de pièces écrites à tous les vents. A plus forte raison sera-ce l’essence des correspondances d’une enfant, d’une jeune femme, qui tantôt cède à ses propres inspirations, tantôt se fait à son insu l’écho de ce qui bruit autour d’elle. Je