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Le
Grand Œuvre
Entretiens sous un châtaignier

PREMIÈRE PARTIE.


J’avais reçu ta lettre ; mais tu t’imagines à tort que je me suis offensé de ta mercuriale. Tu es malade, mon pauvre ami ; je te pardonne tout, à toi le plus découragé des rêveurs politiques, à toi qui ne crois plus au progrès et ne veux voir désormais dans l’histoire qu’une pitoyable mystification dont tu as juré de n’être plus la dupe, à toi qui me reproches amèrement d’espérer encore. J’avais décidé de te répondre longuement, et —tu es cause que durant ces deux mois j’ai tenu un journal dans lequel je consignais tour à tour mes réflexions sur ta maladie, certains entretiens qui m’ont aidé à passer le temps et une espèce d’aventure où j’ai joué un rôle assez médiocre. Or il se trouve que cette aventure et ces entretiens prouvent à peu près la même chose et sont une réponse à ton réquisitoire contre le genre humain. Je t’envoie tout ce papier noirci à ton intention ; fais-en ce qu’il te plaira.


I.

2 septembre.

Ris, si tu veux ; — je suis devenu propriétaire. — Qui ? toi vieux Sicambre ! — Moi-même, et le pis de la chose est que je n’en rougis