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LA GUERRE EN 1866.

soin. Il serait également à désirer que les districts producteurs fussent pourvus des machines connues sous le nom de Mac-Arthy’s cotton gin. Ces machines séparent la graine et la fibre d’une manière irréprochable ; non-seulement elles n’altèrent pas la soie, mais elles retirent au contraire, lui donnent une première façon qui en augmente considérablement la valeur. Des négocians anglais ont déjà importé en Turquie quelques-unes de ces machines ; elles ont rendu d’excellens services, mais elles n’ont profité qu’au commerce européen. Le cultivateur indigène, qui vendait son coton brut, devait se contenter du maigre bénéfice d’une exploitation tout à fait primitive. C’est une vérité élémentaire que celui qui vend son blé en farine y gagne deux choses, d’abord la farine, puis la plus-value offerte par la consommation impatiente à un produit qu’elle peut utiliser immédiatement. Cette règle s’applique à tous les produits du sol : plus ils ont subi de main-d’œuvre industrielle, plus ils rapportent de profits. Le gouvernement ottoman pourrait forcer les districts à se procurer à leurs frais ces utiles machines. Sans doute, en thèse générale et dans des pays suffisamment avancés, il est déplorable de voir l’administration supérieure réglementer les efforts de l’initiative individuelle et s’immiscer dans les intérêts privés. En Turquie, aux Indes anglaises et hollandaises, en Russie, cette intervention de l’état peut avoir néanmoins de bons effets.

L’élément dirigeant, par suite de relations fréquentes avec l’Europe occidentale, a dans ces contrées une instruction soignée et des vues souvent généreuses ; la grande masse de la population au contraire y croupit dans une affreuse ignorance, elle a besoin de recevoir une impulsion extérieure pour vaincre son inertie traditionnelle et se mettre en mouvement. Une fois l’élan donné et la voie indiquée, on pourra s’en remettre, pour continuer l’œuvre, aux populations elles-mêmes ; la prospérité matérielle ne tardera pas à développer en elles les qualités et les aptitudes qu’exige la pratique de la liberté. La Turquie offre un exemple des résultats heureux que peut produire une action administrative intelligente dans un pays arriéré. C’est aux efforts persévérans des membres du gouvernement, au zèle déployé par tous les fonctionnaires, qu’elle doit le succès de ses quatre dernières campagnes cotonnières, succès qui a de beaucoup dépassé ce que l’Europe espérait des provinces ottomanes.

Ce n’était néanmoins ni sur l’Egypte ni sur la Turquie que les optimistes faiseurs de calculs de la presse européenne et surtout de la presse anglaise comptaient pour combler le déficit : c’était sur les Indes anglaises. Là, on devait voir de véritables miracles. L’énergie anglo-saxonne, les capitaux anglo-saxons allaient trouver dans l’Inde