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LA GUERRE EN 1866.

nable. Comment dans ces conditions aurait-il pu se rien fonder de stable ? Aux premiers symptômes de baisse, la production s’est arrêtée.

En Syrie, où la culture du coton était pratiquée depuis longtemps et où habite une population d’agriculteurs laborieux, la récolte cotonnière a triplé de 1862 à 1865. Ce n’est pas un résultat bien important au point de vue de la consommation générale, mais c’est un résultat honorable pour ce courageux petit pays. En Anatolie, la récolte ordinaire du coton a quadruplé pendant la même période. L’Anatolie a la spécialité du coton désigné dans le commerce sous le nom de « Smyrne ; » on ne l’avait employé jusqu’à l’année 1862 qu’à la fabrication des mèches de lampe et de bougie. Le gouvernement ottoman a mis à la disposition des propriétaires des semences étrangères destinées à améliorer la qualité du coton indigène. Le « Smyrne » entre aujourd’hui pour une large part dans la filature. Ces deux pays ne paraissent ni l’un ni l’autre disposés à entreprendre une lutte sérieuse pour maintenir le rang qu’ils ont conquis parmi les pays à coton. Les quantités qu’ils livrent au commerce diminuent à mesure que les prix baissent, elles seront bientôt ramenées à ce qu’elles étaient en 1860.

Les provinces ottomanes, situées de chaque côté de la mer de Marmara, en Europe et en Asie, les îles de Chypre et de Candie, méritent une mention spéciale pour l’ardeur qu’elles ont déployée dans cette noble lutte d’ingénieuse activité dont tout le Levant était le théâtre. Dès le premier moment de la crise cotonnière, le gouvernement du sultan n’était pas resté inactif ; il avait fait venir de tous côtés les semences les plus appropriées au sol et au climat de la Turquie. On donna surtout la préférence au mako d’Egypte, et cette variété réussit fort bien sur les rives du Bosphore. La température moyenne y est cependant plus faible que sur les bords du Nil, et quelques-uns des fruits, ceux qui se nouaient tard, ne pouvaient venir à maturité complète. C’est là un inconvénient qui disparaîtra à mesure que la plante sera mieux acclimatée. Le lent travail de l’acclimatation la modifiera de manière à lui faire acquérir des aptitudes correspondant aux conditions du milieu nouveau dans lequel elle a été transportée. Une nouvelle variété en résultera, participant du mako sans se confondre avec lui, et qui ne tardera pas à prendre une dénomination et une cote commerciale distinctes. Doit-on espérer cependant que la production cotonnière se généralisera dans ces contrées, et que l’Europe en retirera des approvisionnemens importans ? Non sans doute. Les plantations turques, en raison du mauvais état des routes, de la difficulté des communications, de l’instruction et des ressources bornées des proprié-